lundi 25 avril 2011

Qu'est-ce que l'amour ?

la psychanalyse et la philo convoquées

Les choses de l'amour : elles se déclinent sous la fidélité et la trahison, le don de soi et la perte de soi, la tendresse et la haine... Une chose semble certaine, l'amour n'est pas là pour nous conforter dans un état de béatitude sans fin. L'amour nous remue jusqu'au fond de notre existence, nous fait toucher nos propres limites et celles de l'autre, c'est lui qui fait que nous devenons ce que nous sommes véritablement: des êtres éprouvants et éprouvés.

Pouvoir s'adonner à ce qu'est l'amour, c'est laisser se toucher par les émotions les plus contrastées et les plus intenses qui soient. Oser affronter l'amour, c'est aussi se dénuder de toute volonté de vouloir contrôler ce qui nous arrive. C'est oser être sans projet, se présenter tout nu devant Dieu, comme le dernier jour de notre vie.

Comment rester alors debout, devant le souffle du destin qui nous renverse ? Comment oser continuer à prêter son visage à toute l'intensité de ce vécu ? Car oui, c'est là, dans cette forge-là, que l'être humain se fait, quand nous sommes à fleur de peau, écorchés vifs, prêts à se brûler les doigts et le corps en jouant les touches les plus extrêmes de ce grand piano des émotions et sensations que nous propose la vie.


Galimberti, U. (2008), Qu'est-ce que l'amour ?, Paris : Payot

dimanche 24 avril 2011

jeudi 21 avril 2011

L'amour impossible

Cette fois, c'est la Femme...

Cette fois, c'est la Femme que j'ai vue dans la ville, et à qui j'ai parlé et qui me parle. J'étais dans une chambre sans lumière. On vint me dire qu'elle était chez moi : et je la vis dans mon lit, toute à moi, sans lumière ! Je fus très ému, et beaucoup parce que c'était la maison de famille : aussi une détresse me prit ! j'étais en haillons, moi, et elle, mondaine, qui se donnait ; il lui fallait s'en aller ! Une détresse sans nom, je la pris, et la laissai tomber hors du lit, presque nue ; et dans ma faiblesse indicible, je tombai sur elle et me traînai avec elle parmi les tapis sans lumière. La lampe de la famille rougissait l'une après l'autre les chambres voisines. Alors la femme disparut. Je versai plus de larmes que Dieu n'en a pu jamais demander.

Je sortis dans la ville sans fin. Ô Fatigue ! Noyé dans la nuit sourde et dans la fuite du bonheur. C'était comme une nuit d'hiver, avec une neige pour étouffer le monde décidément. Les amis auxquels je criais : où reste-t-elle, répondaient faussement. Je fus devant les vitrages de là où elle va tous les soirs : je courais dans un jardin enseveli. On m'a repoussé. Je pleurais énormément, à tout cela. Enfin je suis descendu dans un lieu plein de poussière, et assis sur des charpentes, j'ai laissé finir toutes les larmes de mon corps avec cette nuit. - Et mon épuisement me revenait pourtant toujours.

J'ai compris qu'elle était à sa vie de tous les jours ; et que le tour de bonté serait plus long à se reproduire qu'une étoile. Elle n'est pas revenue, et ne reviendra jamais, l'Adorable qui s'était rendue chez moi, - ce que je n'aurais jamais présumé. - Vrai, cette fois, j'ai pleuré plus que tous les enfants du monde.

Arthur Rimbaud


Et le tableau de Nicolas Poussin :

Consumé par son impossible amour, il dépérit peu à peu et mourut sous les yeux de la nymphe Écho, réclamant seulement de ne jamais cesser de contempler ce qu’il ne pouvait posséder.

Ovide, les Métamorphoses, III. 339-510