dimanche 24 juillet 2011

Dolce far niente

Un Art qui m'échappe...

... femme postmoderne que je suis.

Les vacances sont là pour se remettre en forme, c'est entendu. Or, personnellement je me remets en forme en faisant de la course à pied, de la montagne, de l'escalade, en rattrapant le boulot que je n'ai pas pu écluser en temps de travail, en préparant les exams de septembre, en traitant ma liste de mails, et si j'ai le temps, je lis. Bref, plein de choses qui donnent BONNE CONSCIENCE à la névrosée que je suis.

Mais au fond, de quoi pourrait-on rêver (je n'ose la forme personnelle "je pourrais rêver") ?
Eh bien de simplement ceci : far niente, vraiment far niente.


J'ai du être comme ça, dans une vie antérieure, où je serai comme ça dans une vie future. Pour l'instant, j'assume.

samedi 23 juillet 2011

Life towards the void

Bret Easton Ellis' "Less than Zero", "American Psycho", "Imperial Bedroom"

On ne sort pas indemne d'une lecture d'Ellis. Au contraire, l'auteur laisse le lecteur dans un état hypnotique, sans qu'il puisse échaper de la progression du récit qui, inexorablement, chemine à partir de l'insipide tout droit vers l'abîme.

Ce garçon à l'allure de dandy gentillet est en fait doté d'une imagination des plus féroces. D'un voyeurisme crû et sans jugement aucun, Bret Easton Ellis livre au lecteur tout ce que celui pourrait lui-même imaginer de pire, sans jamais vouloir se l'avouer. Là, il n'y a que franche énonciation de ce qui peut germer dans un cerveau humain. Et le lecteur suit, ipso facto coupable. 

Ellis ne nous épargne à aucun moment notre propre travail psychique en face de l'horreur, conçue par l'homme, envers l'Autre, en refusant de prendre un parti qui serait gentiment édulcoré par la morale. Rien dans l'écriture d'Ellis ne condamne ce qu'il montre dans une lumière crue, et son moralisme est précisément situé là.. C'est le lecteur qui se voit tout d'abord dérangé, voire ennuyé, puis choqué, pour être irresistiblement attiré par ce que ces décennies de fin et de début du siècle peuvent produire de plus glauque. Et bien qu'il se dise d'abord heureux de faire partie d'une bien autre réalité , une part de lui sait reconnaitre ce qui se trame sous ses propres yeux.

Ellis lui-même ne s'épargne pas. Recevant des menaces de mort suite à la publication de "American Psycho", il continue à écrire dans la même veine, même si la cruauté n'est pas autant à l'apogée. Les personnages se suivent et se croisent d'un roman à l'autre.  A la question de "qui a inspiré Patrick Bateman"*, il répond "mon père"... Bref, l'horreur, le vide, le néant peut se trouver dans la famille proche, autour de soi, en soi.

Attention toutesfois d'élaborer suite à l'ingestion d'un de ses bouquins : comme le disait Nietzsche, "Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi." Le lecteur, au bout des pages, connaît son propre état abîmé - et Ellis, lui, il en est où ?

Bret Easton Ellis' official blog by Randomhouse


jeudi 21 juillet 2011

Message noir à l'intention des non-psychanalysants

... et autres adeptes de TCC

Je lis, ici et là, des articles qui questionnent, de nouveau, l'efficacité, voire l'existence de la psychanalyse. Même dans une entreprise comme Centrum Terrae, qui s'occupe du "bien-être des salariés", il est de bon ton de prétendre que "plus de 2 ans de psychanalyse rendent malade une personne".

Ah que ce "psychoanalyst bashing" est de bon aloi, on se sent tellement supérieur de ne pas céder soi-même à cette introspection partagée, de ne pas vivre les affres d'un transfert jouissif et angoissant à la fois, de ne pas être désarçonné par la parole dans un vide comblé de soi, de ne pas être forcé de soutenir une aventure du Moi dont on ne connaît ni les méandres ni l'aboutissement.

Car, bien entendu, il est beaucoup plus commode de parler en termes d'efficacité, pour essayer de savoir combien "ça va durer", dans quel état on en sort, de l'engagement (minimal, si possible) il faut compter, de l'argent que l'on va devoir aligner (si possible remboursé par la collectivité), de connaître des résultats tangibles, d'entrevoir la "guérison". Cela fait le lit des thérapies cognitivo-comportementales, qui semblent parfois être construites sur un raisonnement de "gagnant-perdant". En fait, je me suis rendue compte que je confondais souvent TTC avec TCC. On - en général hilarant - m'a fait la remarque que les deux n'avaient rien à voir. Évidemment. Peut-être, probablement. Et je me suis sentie assez ridicule, en effet, mais je n'en suis plus si certaine, aujourd'hui, que ce "on" ait raison.

Ce qui se joue en psychanalyse est radicalement différent de ce qui fait l'essence des thérapies cognitivo-comportementales. Cette dernière permet certes de renforcer un Moi défaillant pour qu'il puisse être aux prises avec une société hypercompétitive, exigeant l'autonomie et le bonheur comme un dû, un devoir, un but en soi. Ainsi, la santé mentale est comprise comme "l'absence de toute maladie".

Une psychanalyse, elle, voit les choses autrement. Comme le dit Winnicott, "La vie d’un individu sain se caractérise autant par des peurs, des sentiments conflictuels, des doutes, des frustrations que par des aspects positifs. L’essentiel est que l’homme ou la femme se sente vivre sa propre vie, prendre la responsabilité de son action ou son inaction, qu’il se sente capable de s’attribuer les mérites d’un succès ou la responsabilité d’un échec."

La psychanalyse vise donc à rendre la paix à un Moi qui sera forcément tourmenté, car le vie se joue là, dans cette fournaise des contradictions, des peurs, des joies, des angoisses et des certitudes éphémères. Mais si ce Moi doit exister (ex-ister) avec des hauts et des bas, le chaud et le froid, le soleil et les ombres, la psychanalyse essaie de faire en sorte que les effets de ces fluctuations restent là où ils doivent rester: chez celui qui les vit, et non pas, sous l'effet de projections, clivages, dénis, identifications, annulations et autres mécanismes de défense, qu'ils soient déposés, largués, évacués, chez l'Autre qui ne servirait ainsi que de réceptacle commode. Bref, l'analysant apprend peu à peu qu'il s'occupe de ses propres m... et qu'il ne les refile pas d'une manière indue à son prochain.

C'est quand-même pas mal, non? Si on en faisait le nouvel impératif catégorique ? Nous ne sommes finalement pas très loin de Kant qui le dit d'une manière plus élégante : "Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen".

Avis à bon entendant...