D'abord la bonne nouvelle : Le bonheur nous apparaît dans les couleurs les plus variées
Maintenant la mauvaise : La plupart des gens sont daltoniens
Rainer Haak
The good news: we are going to die. The bad news: I tell you how!
Bill Nighy as Quentin in "Good Morning England"
"No gnus are bad news!"
The lion to his wife, in the steppes around Kilimanjaro
"Bonne heure, mal heure", "sous de bons auspices" ou, au contraire, "sous une mauvaise étoile": dans ce questionnement, le lien est étroit avec toutes les interrogations autour du bonheur, la bonne vie et la recherche du Bien, à l'opposé de celles qui tournent autour du malheur et le Mal. (Cf l'excellent article de Didier Moulinier: Apprendre la Philosophie).
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Orazio Gentileschi |
Pour les Chrétiens, la Bonne Nouvelle, c'est l'Annonciation : "Allez dans le monde entier proclamer la Bonne Nouvelle à toute la création:" (Mc, 16,15). Elle est suivie d'un cortège de croyances autour du Bien divin et du Mal humain, avec l'invitation, voire l'obligation, à la purification (tiens, on y est, c'est Carême) pour une vie meilleure, exempte de pêchés. Est-ce l'ironie du sort que le métro "Bonne Nouvelle", faisant référence à l'Eglise Notre Dame de Bonne Nouvelle toute proche, rappelle aujourd'hui surtout un haut lieu de la consommation et de la futilité?
Durant les derniers mois, j'ai été à l'affût de nouvelles concernant ma santé - ce qui se comprend aisément, bien entendu. Et de fait, j'en ai eu, des nouvelles, tout un tas, des bonnes (heureusement!!) tout comme des mauvaises. J'ai été obligée d'accueillir les deux, et chacune a sa texture toute particulière.
Nonobstant la douleur qu'elle véhicule, une mauvaise nouvelle, étrangement, arrête un point sur la ligne du temps, point incontournable et indéniable, point incontestable! On sait où on en est. On est fixé pour de bon. On voit comment faire avec. On se réajuste dans la souffrance, certes, mais on sait par rapport à quoi. Une mauvaise nouvelle est un départ vers autre chose, et dans ce départ il y a toujours aussi de l'espoir. A contrario, une bonne nouvelle, c'est merveilleux. Evidemment! On le ressent immédiatement au plus profond de soi, il n'y a pas à érgoter. La bonne nouvelle de l'issue positive de la maladie a été capitale, vitale même pour moi. Et en même temps, dans la bonne nouvelle, il n'y a rien de vraiment déterminé. Le doute a toujours sa place. Il faut se réajuster "vers le haut", mais le risque de tomber très bas n'en est que plus grand...
En thérapie, je vois en effet que pour certains, la bonne nouvelle, le bonheur, sont chose éminemment dangereuse. Car, en effet, une bonne nouvelle peut toujours être suivie d'une mauvaise - et le bonheur, quant à lui, il semble être tellement fragile que de le perdre serait bien trop douloureux. Mieux vaut donc ne pas y croire du tout. Au moins, dans le malheur, on sait ce qu'on a.
Or, savons-nous vraiment ce qu'une bonne nouvelle ou une mauvaise nouvelle augurent? Les taoïstes sont bien plus humbles que nous le sommes, et le signe du Yin et Yang le montre si bien: dans chaque étape, il y a le noyau de sa propre transformation vers son contraire, vers une énergie toute différente. Ainsi, pour pouvoir vraiment me laisser porter par l'émotion qu'une "bonne heure" procure, il m'est nécessaire de prendre une posture toute particulière: me situer dans "l'ici et le maintenant" uniquement, et de laisser advenir les sentiments qui émergent. Ressentir le bonheur, tout en étant consciente qu'il est fugace, insaisissable, à jamais évanescent.
Plus simplement que les philosphes, érudits et nourissants à la fois, la sagesse populaire a bien saisi cette nécessaire ascèse qui est ainsi exigée de l'être humain, s'il ne veut pas se perdre dans les abîmes du doute. Je terminerai donc cet article par le conte chinois du vieux paysan et l'histoire de ce qui lui arriva. Vous remarquerez qu'elle n'a pas de fin véritable - cela aussi fait partie du chemin...
Est-ce une chance, est-ce une malchance ? Qui peut le savoir ?
Un vieux paysan chinois avait pour seul bien un petit lopin de terre, pour seule fierté un fils intelligent et travailleur, pour seule richesse un cheval d’une rare puissance et d’une telle beauté que les plus nantis du pays lui en avaient offert de fortes sommes.
- Jamais je ne le vendrai, répondait le vieux paysan. Je l’aime comme mon propre fils.
- Jamais je ne le vendrai, répondait le vieux paysan. Je l’aime comme mon propre fils.
Un jour, il se rendit comme d'habitude à l’écurie. Il trouva la porte entrouverte, le licol cassé. Son cheval avait disparu. Son fils et ses voisins partirent à sa recherche, mais ils rentrèrent bredouilles. Pas de trace de la bête, ni dans le village, ni dans les environs. Il invita alors tous ceux qui avaient participé à cette battue à boire un thé.
- Tu n’as pas de chance, dit son voisin. Ton unique bête et la voilà perdue ou volée.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, qui peut le dire ? répondit simplement le vieux paysan.
- Tu n’as pas de chance, dit son voisin. Ton unique bête et la voilà perdue ou volée.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, qui peut le dire ? répondit simplement le vieux paysan.
Quelques jours plus tard il découvrit devant sa ferme une douzaine de chevaux sauvages. Son cheval les avait attirés derrière lui en revenant du fond de la plaine où il s’était enfui. Voyant cela, son voisin lui dit:
- Tu as de la chance, car te voilà propriétaire de toutes ces bêtes.
- Est-ce une chance est-ce une malchance, qui peut le savoir ? répondit le paysan.
- Tu as de la chance, car te voilà propriétaire de toutes ces bêtes.
- Est-ce une chance est-ce une malchance, qui peut le savoir ? répondit le paysan.
Son fils se mit à dresser les chevaux sauvages, se fit éjecter et tomba rudement sur le sol, se brisant net le dos et lui rendant impossible l'usage de ses deux jambes.
- Tu n’as pas de chance, lui dit son voisin. Ton fils est paralysé, alors que tu en as grand besoin pour te seconder. Qui t'aidera dans ton grand âge?
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le paysan. Qui peut le savoir ?”
- Tu n’as pas de chance, lui dit son voisin. Ton fils est paralysé, alors que tu en as grand besoin pour te seconder. Qui t'aidera dans ton grand âge?
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le paysan. Qui peut le savoir ?”
Quinze jours plus tard, une troupe de soldats et d’officiers fit irruption dans le village pour enrôler de force tous les hommes valides pour partir à la guerre. Tous, sauf le fils du paysan qui était handicapé. Attristé, son voisin lui dit:
- Tu as de la chance, car ton fils ne doit pas partir faire cette sale guerre. On ne sait pas dans quel état nos enfants vont en revenir.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le paysan. Qui peut le dire ?”
- Tu as de la chance, car ton fils ne doit pas partir faire cette sale guerre. On ne sait pas dans quel état nos enfants vont en revenir.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le paysan. Qui peut le dire ?”
Quelques mois plus tard, la guerre se termina. Certains n’en revinrent pas. D’autres rentrèrent, couverts de gloire et chargés d’un riche butin de guerre.
- Tu n’as pas de chance, dit le voisin, ton fils n'est pas revenu riche de la guerre.
- Est-ce une chance est-ce une malchance ? Qui peut le savoir ? dit le paysan.
- Tu n’as pas de chance, dit le voisin, ton fils n'est pas revenu riche de la guerre.
- Est-ce une chance est-ce une malchance ? Qui peut le savoir ? dit le paysan.
Richesses vite accumulées, richesses vite dilapidées dit le proverbe. Et la misère revint, encore plus dure à supporter après une période d'abondance.
- Tu as de la chance, dit le voisin. Ton fils n’est pas rentré riche de la guerre, mais il n'est pas tombé dans cette misère noire et déprimante où sont en train de sombrer nos propres enfants.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le vieux paysan? Qui peut le savoir ?
- Tu as de la chance, dit le voisin. Ton fils n’est pas rentré riche de la guerre, mais il n'est pas tombé dans cette misère noire et déprimante où sont en train de sombrer nos propres enfants.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le vieux paysan? Qui peut le savoir ?
Conte de sagesse taoïste