mardi 3 mai 2011

Haute Montagne : Aiguille du Midi, Tour Ronde

Des bavantes sous le regard du Mont Blanc

Faut être un peu gonflée, tout de même, pour débarquer de Paris la veille et le lendemain grimper à l'Aiguille du Midi. Il est vrai que j'ai cette croyance que j'arrive à faire ce à quoi d'autres ne parviendraient pas. Mais, pour ce coup-là, je vais payer mon complexe de supériorité par 7 semaines de fièvre, sauf que je ne le sais pas encore.

Mon guide me propose la voie Baquet Rébuffat (TD+) et qu'à cela ne tienne, on s'y lance, vers 13h00, une fois débarqués du téléphérique et descendus à ski au pied de la voie. Le granit sous le soleil de ce mois d'avril a gardé la chaleur, le toucher du rocher est extra, et la voie se dissine avec une grande pureté. Je ne me rends pas franchement compte de l'altitude, sauf que les avant-bras se mettent en position "bouteilles" très rapidement. Ce Rébuffat, même s'il est monté ici avec des échelles et autre matériel artificiel, ce fut quand-même un mec hallucinant d'audace et de compétence ! La voie est technique, athlétique et très belle, impressionnante par moments, et le dièdre en L7 m'achève presque définitivement car la seule fissure qui aurait permis d'offrir quelque prise est pleine de glace. Je parviens à m'y hisser (comment ont-ils fait il y a 60 ans ???) avec moult treuillage de la part du guide. D'ailleurs, ce sera la dernière longueur que nous pourrons faire dans la voie (il en reste deux faciles) car la neige est trop abondante et il faudrait avoir avec nous les grosses chaussures.

D'ailleurs c'est là aussi qu'on se rend compte qu'on est à près de 4000 m d'altitude : à peine le soleil faiblit-il, un froid intense et profond s'empare de moi malgré ma doudoune. Clair que c'est du sérieux ici, on arrête de jouer : au moindre problème (temps, matos insuffisant ou perdu, difficulté du rocher qui ralentit), on est très vite dans la très grosse merde... Nous descendons donc en rappel - je suis toujours aussi contente de ne pas m'y lancer en première, tellement cela continue à m'impressionner. De nouveau en bas, près du dépôt, nous rechaussons nos skis et repartons pour le refuge des Cosmiques.
On arrive à point car on y sert le dîner. Génial, ce confort dans cet environnement austère et néanmoins beau. J'ai le privilège de pouvoir dormir dans un dortoirs où il n'y a que très peu de monde, avec vue sur le soleil couchant qui illumine le sommet du Mont-Blanc de sa lumière rose-orangée, et je me dis que c'est vraiment royal.

Sauf que c'est là que les emmerdements commencent. Au milieu de la nuit, à trois heures (03.00, et oui), le réveil sonne car en circonstances normales, nous devrions repartir. Mais moi, j'ai subitement pris 30 ans pendant la nuit, que dis-je : 50 ! Je frissonne, je grelotte, j'ai un mal de crâne abo, et je monte les trois étages pour aller pisser comme une petite vieille proche d'une syncope. Impossible à démarrer la machine, je me sens littéralement malade, bien au-delà de ce qu'on ma dit allait provoquer l'altitude. Le guide est passablement hs aussi et on décide donc, la mort dans l'âme, de renoncer, au vu de mon état. On se recouche jusqu'à 7h00 en espérant que ça ira mieux. Mais 7h00, rien n'y fait, je suis toujours aussi hs, je n'avale pas un morceau, je grelotte et du coup, on décide de descendre tout doucement la Vallée Blanche, on renonçant définitivement à l'ascension de la face Nord de la Tour Ronde (3792m).

Peu à peu - et après coup je me demande comment j'ai fait - je reprends du poil de la bête sous l'effet de l'air frais, au point où j'arrive à skier presque normalement. Du coup, encouragés, on met les peaux pour s'approcher du pied de la paraoi. Là encore, ça va plutôt mieux et hop, on est partis dans la face nord! Nous avançons vite même si, à partir du resserrement du couloir au milieu qui est en glace vive, je suis complètement au taquet. C'est vraiment très physique tout cela, et quand on lit les différents commentaires sur blogs, ça a toujours l'air d'un rien... "pas engagé", "à faire et à refaire", comme si on était sur une promenade au bord de la plage. Eh ben non, il y a de longs passages où l'on ne peut pas assurer et si la cordée tombe, elle appartient au diable, c'est du certain. La dernière traversée sur glace vive est délicate, et au vu de la fatigue, mes piolets ne s'y plantent plus qu'approximativement. Heureusement je suis encordée !

Une fois sur la crête, je n'ai pas fini puisqu'il faut contourner le rocher sommital et en faire l'ascension. Tout cela en chaussures à ski et avec les crampons. Je commence à pester, signe comme quoi j'en chie un max. D'un autre côté, abandonner n'est pas un mot que je connais tant que je tiens debout. On continue donc, bien entendu, il n'y a pas le choix, et puis je l'ai tellement voulue, cette face Nord! Parfois aussi, les distances paraissent interminables, mais au fond, il n'y a plus que pour quelques minutes. C'est exactement ce qui se passe : alors que j'ai les premières larmes qui me montent aux yeux, je suis sur le sommet, ni vu, ni connu ! Une belle Madonne Noire le marque et on se claque la bise avec la guide (qui commence à bien me connaître et qui sait tempérer ;o)

A peine assis, nous voilà repartis, car nous avons somme toute 4 heures de retard sur le planning prévu initialement. Et il faut redescendre toute la Vallée Blanche pour essayer d'attraper la dernière beine de la journée qui part de Montenvers à Chamonix.

Je la fais courte, mais la dernière beine, nour l'aurions eue avec une avance d'exactement 2 min 16 secondes - si elle n'était pas déjà arrêtée depuis une demie-heure !! Donc, remontée à partir du glacier jusqu'à la station Montenvers, où de sombres cons ont fermé les chiottes afin que personne ne puisse boire un coup d'eau sans payer les restaurateurs (fermés par ailleurs). J'ai la haine car nous crêvons tous les deux de soif. Le chemin pour redescendre à Chamonix a aussi été tracé tout spécialement pour les handicapés moteurs semble-t-il, puisqu'il descend avec une inclinaison d'environ 2%. C'est in-ter-mi-na-ble !!! Le guide ne dit plus rien (il porte tout le matos !!!) et moi non plus. La soif est lancinante. Nous nous approchons tout doucement de Chamonix ou enfin ! boire devient possible. On est peu finalement - et revenir aux bases du fonctionnement physique apporte une dimension à l'existence de la meuf postmoderne que je suis qui me semble être inestimable.

Encore que - les deux bavantes furent les mesures initiales d'un épuisement qui me procurera un virus pendant 7 semaines. On naît postmoderne et on le reste !

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