mardi 20 décembre 2011

Hibernation

même en absence de neige...

"L’hibernation est un état d’hypothermie régulée, durant plusieurs jours ou semaines qui permet aux animaux de conserver leur énergie pendant l’hiver. Durant l’hibernation les animaux ralentissent leur métabolisme jusqu’à des niveaux très bas, avec la température de leurs corps et des taux respiratoires qui s’abaissent graduellement, et en utilisant les réserves de graisse du corps qui ont été stockées pendant les mois actifs." (wikipédia)
                                                     
Un animal qui hiberne réellement est le loir.

Je me fais loir depuis quelques semaines. Non pas que ce soit parce que c'est réellement l'hiver, ou parce que je suis forcément moins active, mais bien parce que la maladie m'impose un état émotionnel très particulier.
Tout d'abord il me faut endurer. Endurer quelques mois de soins contraignants, endurer l'incertitude, endurer les émotions de tristesse, de peur, de révolte. Endurer aussi les réactions des autres qui sont angoissés devant la maladie.

Ensuite, il faut que je mette mon cerveau au ralenti. Oublier que ça peut mal se passer, oublier qu'il peut y avoir des complications, oublier l'épée de Damoclès qui est dorénavant au-dessus de ma tête. 

Puis je dois me mettre en état d'attente. Attente de l'espoir que ça ira bien mieux bientôt, attendre que le prognostic se construise peu à peu, attendre que je puisse de nouveau mener une vie "normale", "comme avant", alors que rien ne sera plus comme avant.

Et en même temps, l'hibernation c'est aussi la certitude que malgré les apparences, la vie est bien là, elle pulse, à son rythme, pour retrouver le printemps, les bourgeons, le soleil. L'hibernation est donc bien un état d'avant quelque chose, un état d'une subtilité insoupçonnée pour celui qui n'y serait pas passé. Si le coeur bat très lentement, c'est que chaque battement prend une importance beaucoup plus grande. Si les belles émotions émergent, c'est que c'est avec une intensité toute inattendue. Et grâce aux autres, grâce à ceux qui me soutiennent, ces belles émotions sont bien là, présentes, déjà en état de faire leur travail intérieur tout en douceur.

Ce qui me touche tout particulièrement, c'est ce que les oracles ont révélé, quand Florence les a interrogés sur mon devenir. Voici ce que dit le 64ème hexagramme du Yi King "avant l'accomplissement", avec 6 à la cinquième place :

"La persévérance apporte la fortune. Pas de repentir.
La lumière de l'homme noble est véritable.
Fortune.

La victoire est remportée. La force de la fermeté n'a pas été mise en échec. Tout a bien été. Tous les doutes sont surmontés. Le succès a justifié l'action. La lumière d'une personnalité supérieure brille de nouveau et fait sentir son influence sur les hommes qui croient en elle et se rassemblent autour d'elle. L'ère nouvelle est arrivée, et avec elle la fortune. Et de même que le soleil après la pluie rayonne dans une beauté redoublée, ou que la forêt, après l'incendie, reverdit avec une fraîcheur accrue à partir de ses débris calcinés, l'éclat de l'ère nouvelle s'augmente par le contraste qu'il forme avec la misère de l'époque ancienne."

En attendant je me prépare. Et je m'enroule mentalement comme ce petit loir tout doux. L'hibernation, c'est aussi le repos.

jeudi 15 décembre 2011

Les biscuits de Noël des spazzacamini

La recette des "Petits Milanais"

C'est le moment - il est même grand temps - de se lancer dans la confection des traditionnels biscuits de Noël. A la fois un plaisir et une corvée, il n'y a pas de Fête qui vaille si l'odeur de ces délicieuses petites friandises n'emplit pas la cuisine des fées de logis en lesquelles nous, les filles, nous nous transformons année après année, au mois de décembre. L'abondance des bonnes choses, des émotions au coin du feu, la chaleur de l'âtre qui protège, nous héberge, tout cela surgit inopinément mêlé à ces parfums délicieux.

Mais les traditions sont toujours aussi des témoignages de douleurs et peines inscrites dans la chair de ceux qui lèguent leur histoire. Dans le cas des "Petits Milanais", c'est le souvenir de tous ces enfants tessinois, les spazzacamini, mis en servage chez des patrons milanais, pour ramoner au moyen de leur propre corps maigrelet, les cheminées étroites et brûlantes des appartements bourgeois de Milano. Nombre d'entre eux périrent au cours de cette tâche périlleuse et pénible, d'autres furent gardés tels des animaux sauvages, sous-nourris, par leurs maîtres patrons qui les exploitèrent, à l'insu des parents des enfants, pauvres montagnards qui crêvaient la dalle. Une fois par an, les enfants eurent le droit de rentrer. Ce fut à Noël - et ce qu'ils ramenèrent à leur famille en guise de cadeau, ce fut justement ces petits pains milanais.

C'était la Suisse, l'Italie, du début du siècle passé. Triste Histoire, pourtant si proche de nous, racontée pour enfants d'une façon saisissante par Lisa Tetzner (Les frères noirs). Les Petits Milanais transportent pour moi toute une histoire familiale qui est certes un peu différente, mais bien parente, celle des "enfants serfs" (Verdingkinder). Elle est symboliquement inscrite dans la confection de ces biscuits de Noël. Et il est ainsi juste de rappeler et de goûter un tout petit peu, chaque année, d'où je viens, d'où mes enfants viennent, et combien la vie est belle et triste, puissante et fragile à la fois. 

Vous voulez savoir quel goût ça a, les "Petits Milanais"? Cliquez ici (il faut un peu de temps pour que le texte soit chargé, ne désespérez pas) pour la recette précise et ma description ethnométhodologique de cette sorte de biscuits de Noël.