mercredi 1 septembre 2010

Exposition : Nicolas de Stael (1945-1955)

Fondation Pierre Gianadda, Martigny

Etonnante Fondation qui réussit à réunir un impressionnant ensemble de tableaux de Nicolas de Stael, venant de collections publiques et privées de toute l'Europe et des Etats-Unis, au coeur du Valais en Suisse. Et de drainer une foule de vacanciers, avides d'enrichir leurs journées à la montagne environnante par quelque nourriture intellectuelle. En fait, il y eut deux expositions en une : la première, celle pour laquelle les gens viennent. Et la seconde, ce furent les visiteurs eux-mêmes.

La première exposition donc : je ne connaissais pas l'oeuvre de Nicolas de Stael, en dehors d'un vague souvenir de son nom. Ses peintures furent donc surprenantes pour moi, à la fois pour leurs couleurs, les motifs mais aussi l'abstraction résolue et conséquente qu'il a travaillée par le biais d'une réflexion intense et continue sur sa manière de créer.

Bel homme, aux pensées torturées, il poursuit inlassablement sa recherche de couleurs, de formes, d'un style surtout, alors qu'il vit dans la pauvreté avec sa femme et sa fille. C'est seulement après la mort de son épouse, quand il se marie une seconde fois avec Françoise Chapouton qu'il peut travailler dans un environnement plus aisé.

Ce qui m'interpelle c'est sa capacité à poursuivre une recherche d'absolu, sans relâche, avec une obstination impressionnante. Est-ce que cela, une vocation, une mission? Quel cadeau du "destin" aurais-je envie de dire... et aussi quelle malédiction. Nicolas de Stael se suicide en 1955, dans une pensée devenue vertigineuse, incapable de soutenir cette quête sans fin. Voilà pour cette partie de la visite.

La seconde partie débute en fait dès le parking de la Fondation: des voitures françaises et belges presqu'exclusivement, du 75, en passant par le 78 et surtout le 92. Paris - non: la bourgeoisie parisienne, pour ne pas dire l'UMP - est en villégiature à la montagne.

Dans la salle d'exposition, en effet, le code vestimentaire subtil du cadre parisien expérimenté (plutôt âgé, donc, mais pas uniquement) est arboré, à la fois par lui-même que par son épouse, et éventuellement des enfants qu'il peut avoir forcé à venir. Chemises Lacoste au col relevé légèrement, pantalons en toile, chaussures décontractées mais impeccables : tel est l'uniforme du BCBG en vacances. Décontracté, certes, mais point trop s'en faut. Les coupes de cheveux des jeunes, les foulards des visiteuses, le Parisien et la Parisienne sont ici pour voir, mais autant pour être vus. Je refais le tour de l'exposition, juste pour apprécier le public, goûter leur jeu subtil avec les codes, écouter les commentaires sur le peintre, les toiles exposées. Excellent, exquis, je sais d'emblée où je suis, je perçois la fin des vacances qui s'annoncent pour eux, le retour en berline ou monospace tout proche, les dernières impressions des vacances qu'ils veulent emporter avec eux.

Touchant défilé donc, et je me dis qu'il doit être doux de se mouvoir à l'intérieur de frontières à la fois invisibles et néanmoins bien tracées pour ceux qui savent se reconnaître.





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