vendredi 3 septembre 2010

Israël : et si notre regard changeait ?

Quel regard, tout d'abord ?

Hier, Barak Obama a mis à disposition de Netanyahou et Abbas un environnement, un cadre pour que, enfin, les pourparlers puissent reprendre après tant d'arrêt. Tous les 15 jours devraient-ils se renconterer, pour relancer un processus tant enroué, torpillé, saboté, hué. Pourtant, malgré des attaques du Hamas Islamiste, Elie Wiesel se veut optimiste, pensant que des concessions substantielles auraient été faites de part et d'autres pour que Obama puisse oser organiser ces rencontres alors que toute l'Amérique ne fait que se regarder elle-même.

A quelle réalité avons-nous accès dans ce conflit qui nous déchire aussi un peu, par la force des choses? Sur place, cette réalité est toute autre, comme le dernier TIME Magazine (September 13, 2010) en fait part. L'enjeu stratégique, semble-t-il n'est plus tant la paix avec le voisin palestinien. Les yeux des Israéliens sont dorénavant rivés sur les ambitions atomiques de l'Iran - et le conflit autrement plus meurtrier qui pourrait s'en suivre. Les Palestiniens, eux, sont considérés davantage comme une "nuisance". Les Israéliens ont envie de profiter de la vie, de l'économie qui prospère, et d'une vécu au jour le jour, sans vision cauchemardesque brandie quotidiennement.

Mais pouvons-nous nous fier à cette description? Le titre du Time me semble tendancieux. Et de fait, ce qui se passe en Israël est rarement relaté d'une façon objective, comme des études universitaires le démontrent. Les médias européens sont en grande majorité  critiques vis-à-vis de l'Etat Juif, tout en s'appuyant sur les médias israéliens. Ceux-ci étant très souvent éminemment sceptiques par rapport à leur propre pays, les journalistes européens se sentent ainsi légitimés à abonder dans ce sens. Reto Wild, du Tages Anzeiger suisse, a très bien mis en évidence cet état des faits (Böses Israel). Daniel Leon Schikora va dans le même sens (Freie Welt) Or, ces biais ne peuvent qu'aggraver l'attitude anti-israélienne qui prévaut dans l'opinion publique européenne. Et ils omettent le fait que la très grande majorité des Israéliens eux-mêmes souhaitent vivre en paix avec leurs voisins palestiniens.

Quelle réalité, donc ? Même si nous aimerions croire Elie Wiesel, les rencontres récentes peuvent paraître voués à l'échec, tant de forces se dressent contre toute tentative de Paix. Peut-être une vie au jour le jour est effectivement un moyen d'apaisement progressif.  Sara Shilo nous décrit l'une des réalités, un peu dans ce sens, avec un mince espoir au bout. Dans une histoire de famille émouvante, triste et touchante à la fois, une histoire d'immigrés juifs du Maroc, elle nous fait toucher du doigt le quotidien, les peines, les rêves de gens toutes ordinaires pour lesquelles l'ennemi n'est pas tant le voisin palestinien mais un destin auquel il est presque impossible d'échapper. L'histoire est belle et déchirante à la fois - mais ce qui m'a touché tout autant c'est que ce livre - qui est exempt de toute haine, tout ressentiment anti-palestinien - ait figuré pendant des mois sur la première place des meilleures ventes en Israël.

Loin des braises qui attisent la haine anti-"autre" sur lesquelles la France souffle en ce moment, n'est-ce pas une belle leçon de la part de la population israélienne qui vit souvent dans des conditions qui sont impensables pour nous? C'est peut-être elle qu'Elie Wiesel a entendu parler... Pourvu que leur voix porte bien, bien loin!

Référence : Shilo, S. (2010), The Falafel King is dead, London: Portobello Books

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