"Ich sage euch: man muss noch Chaos in sich haben, um einen tanzenden Stern gebären zu können..."
"Je vous l'affirme : il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse..."
Friederich Nietzsche
Quand le corps et l'esprit parviennent devant l'infranchissable abîme, le choix de la rétractation n'est plus. Un instant de perte ineffable, d'une peur toute envahissante tel un liquide chaud, s'empare de cette enveloppe corporelle qui contient notre Moi, et le projette dans un monde insoupçonné dont les contours commencent seulement à s'esquisser. C'est peut-être là, dans cet instant d'étonnement pétrifié, qu'il est possible de se dire "eh bien, s'il le faut, allons-y pour de bon".
Et puis quelque chose m'a empêchée de franchir la frontière de cet abîme, comme cette petite fille d'une vieille gravure de mon enfance, qui est retenue au bord de sa chemise par un majestueux ange gardien, alors qu'elle suit, joyeuse, un papillon virevoltant au-dessus du précipice.
J'ai juste entrevu la porte s'ouvrir, d'un espace infinitésimal. Je suis de nouveau à la vie, oui, mais bien changée. Car cet entrebaillement m'a renvoyée à des énigmes qui me paraissent insolubles : au fond, qui est-ce qui revient ainsi dans le monde? Et pour faire quoi, dorénavant, puisque tout est si altéré, même si rien n'a fondamentalement bougé pour l'oeil extérieur?
Vaste sujet puisqu'il s'agit maintenant, après s'être laissé créer, se recréer, à partir de son essence qui reste à être découverte. Cela m'apparaît comme une tâche immense, ahurissante même, pour moi qui m'y trouve confrontée, comme si je butais devant une montagne infranchissable.
Où commencer? - si seulement cela était clair. Un mouvement interne m'exhorte à laisser choir tout ce qui ne m'est pas : les peurs, les injonctions, les fausses émotions, les désirs de l'Autre. Pas si facile que ça, très difficile même. Car il faut alors oser faire face à soi-même, assumer les plaisirs infinis, tout comme les zones d'ombre qui s'entremêlent pour l'instant encore, dans un chaos indistingué, qu'il s'agira d'ordonner peu à peu pendant tout ce temps qui m'est encore imparti.
Que l'on ne s'y trompe pas : "ordonner" ne veut pas dire "plus d'ordre". Au contraire : savoir soutenir cette indisdinction tout en faisant, en créant, c'est bien de cela dont il s'agit. Avoir "encore du chaos ensoi"... même si la promesse d'une étoile dansante ne représente qu'un lointain espoir, une lueur quelque part dans le noir que l'on pourrait deviner. Y aspirer, c'est pourtant bien cela qui nous rend humains.
Et quand la véritable création advient, elle le fait avec fulgurance : " La perfection ne serait pas devenue. - Nous sommes habitués, face à toute perfection, à omettre la question du devenir : nous nous réjouissons au contraire de tout ce qui est présent, comme si tout cela aurait émergé de la terre, par un coup de magie."
"Das Vollkommene soll nicht geworden sein. - Wir sind gewöhnt, bei allem Vollkommenen die Frage nach dem Werden zu unterlassen: sondern uns des Gegenwärtigen zu freuen, wie als ob es auf einen Zauberschlag aus dem Boden aufgestiegen sei." (F. Nietzsche, Menschliches, allzu Menschliches, IV, 145)
Et pour terminer, n'oublions pas peut-être la chose la plus délicate : créer avec humour, comme le fait si bien Amy Tan dans cette conférence sur l'inspiration qui tisse son oeuvre passionnante.
Als Zarathustra diese Worte gesprochen hatte, sah er wieder das Volk an und schwieg. „Da stehen sie", sprach er zu seinem Herzen, „da lachen sie : sie verstehen mich nicht, ich bin nicht der Mund für diese Ohren.
Muss man ihnen erst die Ohren zerschlagen, dass sie lernen, mit den Augen zu hören? Muss man rasseln, gleich Pauken und Bußepredigern? Oder glauben sie nur dem Stammelnden?
Sie haben Etwas, worauf sie stolz sind. Wie nennen sie es doch, was sie stolz macht? Bildung nennen sie’s, es zeichnet sie aus vor den Ziegenhirten.
Drum hören sie ungern von sich das Wort „Verachtung“. So will ich denn zu ihrem Stolze reden.
So will ich ihnen vom Verächtlichsten sprechen :
das aber ist der letzte Mensch."
Und also sprach Zarathustra zum Volke :
“Es ist an der Zeit, dass der Mensch sich sein Ziel stecke. Es ist an der Zeit, dass der Mensch den Keim seiner höchsten Hoffnung pflanze.
Noch ist sein Boden dazu reich genug. Aber dieser Boden wird einst arm und zahm sein, und kein hoher Baum wird mehr aus ihm wachsen können.
Wehe! Es kommt die Zeit, wo der Mensch nicht mehr den Pfeil seiner Sehnsucht über den Menschen hinaus wirft, und die Sehne seines Bogens verlernt hat, zu schwirren!
Ich sage euch : man muss noch Chaos in sich haben, um einen tanzenden Stern gebären zu können……”
aus:
Friedrich Nietzsche: Also sprach Zarathustra (1883-1891)
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