jeudi 15 novembre 2012

Entre les pattes du chat

„Ach“, sagte die Maus, „die Welt wird enger mit jedem Tag. Zuerst war sie so breit, daß ich Angst hatte, ich lief weiter und war glücklich, daß ich endlich rechts und links in der Ferne Mauern sah, aber diese langen Mauern eilen so schnell aufeinander zu, daß ich schon im letzten Zimmer bin, und dort im Winkel steht die Falle, in die ich laufe.“ – „Du mußt nur die Laufrichtung ändern“, sagte die Katze und fraß sie. (Franz Kafka), (1)

Cela fait sept années que je ne suis plus venue à cet endroit-là. Sept années pendant lesquelles tant de choses se sont jouées pour moi. Sept années aussi qui me séparent d'un passé si familier et pourtant très lointain déjà. Tout resurgit au moment où je m'approche du lieu, où je retrouve les gestes d'avant, les odeurs aussi, et les gens qui, bien que différentes, restent les mêmes dans leur essence. Étrange réalité qu'est la mienne aujourd'hui : jamais je n'aurais imaginé que je reviendrai à cet endroit-là dans les conditions actuelles. Un va-et-vient bouleversant entre passé et présent s'opère et tant de souvenirs remontent soudain, non pas progressivement, mais par à-coups presque violents. Et avec les souvenirs se façonnent des émotions de tristesse, de tout ce qui n'est plus, de deuil de ce qui a été et de ce qui ne sera plus jamais. 
 
"Plus jamais". J'ai tant de mal à penser ces mots, à les laisser s'emparer de mon être et y laisser étendre la douleur dont ils sont chargés. Je m'aperçois à quel point l'empreinte physique de cette douleur est insoutenable. Et du coup, je la mets de côté, je l'efface de ma conscience, afin que je n'aie plus mal. Mal au corps, mal aux pensées, mal tout court... Et pourtant, je dois en même temps admettre que cette douleur ainsi niée et évincée, cela signifie juste de l'exiler dans mon inconscient, au plus profond de moi où elle continuera à faire ses ravages malgré moi, sans que je m'en doute.

Alors, puisque accepter la douleur, tout comme la dénier, est impossible, comment me sortir de ce piège dans laquelle la vie me met comme le chat qui a réussi à chasser la souris dans le coin sombre d'une immense pièce solitaire ? Je suis devant cette énigme, presque paralysée, sans force et sans voix. C'est en tout cas ce qu'il me semble - au moment même où arrive, d'une façon inespérée, la vision d'une possibilité ultime, d'une dernière carte à jouer - carte très risquée, certes, mais qui reste une échappatoire potentielle. Ma seule possibilité de continuer à vivre une vie qui vaille la peine d'être vécue, est de la trouver précisément là où je n'ose l'entrevoir : il me faut me jeter entre les pattes du chat, en espérant de pouvoir passer à travers. Cela implique de me regarder enfin dans le miroir, sans fausse modestie, me regarder pleinement, telle que je suis aujourd'hui, telle que je me suis laissée faire et défaire par la vie. Et puis, car cela n'est que le début, il me faut passer de l'autre côté de ce miroir, pour finalement me réinventer de fond en comble, afin de modeler à partir de ce matériau brut un présent nouveau, un ici-et-maintenant, une capacité à la création qui permet d'échapper à l'irruption intempestive de souvenirs, à la résurgence nostalgique d'un passé définitivement révolu, au fantasme d'un "avant" à retrouver et à espérer dans l'avenir.

Et pourtant, cette réinvention de soi et plus vite énoncée qu'élaborée. Car c'est alors qu'il faut se confronter aux angoisses les plus enfouies en soi : assumer ce que l'on est en train de devenir véritablement, bien que ce nouveau Moi reste encore fragmentaire, conscient en partie seulement, à peine avouable devant soi-même. Et a fortiori encore moins revendiqué aux yeux et au su d'autrui... Certes, "la mort nous dépouille de tout ce que nous ne sommes pas"(2), mais faire émerger ce que l'on est, cela signifie tout autant d'emprunter un chemin obscur, invisible, inexistant et inconnu comme la mort l'est de son côté. Il me faut pouvoir arriver à dire haut et fort que, oui, je suis particulière, singulière, originale même, voir créative à ma façon. Ah, il m'est si difficile d'assumer pleinement cette proclamation de moi, car cela implique non seulement de réclamer une place bien à moi dans ce monde, mais en plus de la défendre et de négocier avec autrui. Chose extrêmement périlleuse pour moi, porteuse d'angoisses comme celle de me livrer à la critique, au rire, au rejet, au refus d'être aimée. Quel archaïsme dans tout cela! De toute manière, là où j'en suis maintenant, avec plus rien à perdre, et incertaine de ce que je vais gagner, je n'ai pas vraiment le choix. La force de vivre, l'instinct de survivre est trop fort pour que je puisse continuer à me soustraire à cette confrontation avec moi-même. Il faut que je me jette entré les pattes du chat. C'est devenu impératif. Et l'on verra bien ce qui arrivera. Cela fera bouger les lignes - mais tant qu'il y a du mouvement, il y a de la vie. Comme disait Épicure : "si la mort est là, je n'y suis plus. Si elle n'y est pas, je n'y suis pas encore."
 

(1) Franz Kafka: "Ah" dit la souris, "le monde se rétrécit chaque jour. Initialement, il fut si large que j'eus peur; j'avançai et je fus heureux d'apercevoir enfin, au loin, des murs de chaque côté, mais ces longs murs se rapprochent si rapidement que je suis déjà dans la dernière pièce, et là, dans le coin, il y a le piège vers lequel je me dirige." "Tu n'as qu'à changer de direction" dit le chat et la dévora.

(2) Eckhardt Tolle, Le pouvoir du moment présent

mercredi 31 octobre 2012

Do not go gentle into that good night

Dylan Thomas

Do not go gentle into that good night,
Old age should burn and rave at close of day;
Rage, rage against the dying of the light.

Though wise men at their end know dark is right,
Because their words have caused no lightening they
Do not go gentle into that good night.

Good men, the last wave by, crying how bright
Their frail deeds might have danced in a green bay
Rage, rage against the dying of the light.

Wild men who caught and sang the sun in flight
And learn, too late, they grieved it on its way,
Do not go gentle into that good night.

Grave men, near death, who see with blinding sight
Blind eyes could blaze like meteors and be gay,
Rage, rage against the dying of the light.

And you, my father, there on the sad height,
Curse, bless me now with your fierce tears, I pray.
Do not go gentle into that good night,
Rage, rage against the dying of the light.

L'ennemi

Je ne sais pas exactement où se loge l'ennemi. Tantôt il semble être là, puis ensuite il se fait oublier, pendant un bon moment. Et alors que je me crois en toute sécurité, de nouveau il attaque, subrepticement, d'un angle toujours imprévisible. Et je me fais à chaque fois surprendre.

Je ne sais pas pourquoi c'est devenu un jour mon ennemi. Et qui est-il au fond? Tout cela est assez obscur pour moi. Je cherche des explications: "ai-je fait trop ceci, ou trop cela? J'aurais dû, je n'aurais pas dû..." et ainsi de suite. Mais le propre de cet adversaire, c'est qu'il ne donne jamais de réponse, il ne se perd pas en paroles. Il agit, il ajuste sa cible et puis il avance ainsi, en silence, efficace et redoutable. 

Donc cet ennemi, il est. Tout simplement. Il n'y a pas à négocier. Toute révolte est inutile, elle n'y peut rien contre son existence. J'ai pourtant essayé : doucement d'abord, comme si je voulais l'apprivoiser. Puis j'ai voulu négocier et encore plus tard j'ai pleuré, j'ai tapé du pied pour marquer ouvertement mon désaccord. Mais tout cela fut vain. Aucune réponse, juste des tirs toujours aussi ciblés, en plein dans le mille. J'ai beau me cacher entre les murs de ma fortification - je suis à chaque fois atteinte par les coups du franc-tireur.

D'ailleurs, mon corps commence à en porter les marques. Je trébuche plus facilement avec tous ces impacts, je chancelle et je tombe. Puis il suffit que je me regarde dans le miroir pour en reconnaître les ravages. C'est un ennemi qui n'est pas pressé de m'achever tout de suite, il a tout son temps, il s'y prend avec justesse, avec délicatesse même. C'est le propre d'un tireur d'élite, cela me semble être clair maintenant. 

Ce qui est étonnant, c'est que l'on peut s'habituer à sa présence masquée. Alors que, au fond de moi-même, je suis en révolte, je commence malgré moi à composer avec lui. Puisqu'il est là en cachette, cet adversaire, puisqu'il ne se laisse pas déloger, eh bien, la pure propension à l'habitude fait que, de facto, j'accepte son existence. Un double mouvement donc d'indignation et de résignation... c'est véritablement étonnant.

Néanmoins, à chaque fois que les tirs atteignent leur cible - et donc moi - il est évident que la pensée de la mort se rapproche. Mes fortifications étant d'ailleurs de plus en plus fragiles, il me semble tout à fait normal que je réfléchisse à l'issue de cette lutte inégale. Quand je sens l'impact d'un nouveau tir, quand j'en éprouve toute la douleur, la mort m'apparaît comme un aboutissement tout à fait souhaitable. Pouvoir enfin me dire que le combat est terminé, me rendre aux mains de l'ennemi, cela à au moins le mérite de la certitude quant à la fin de la souffrance. Enfin, c'est ce que j'imagine car, au fond, rien n'est moins sûr. Je ne connais pas l'état d'esprit de mon adversaire. Peut-être - et c'est même probable - ne fait-il jamais de prisonniers. Il les exécute de façon plus ou moins cruelle.  Va savoir! Au fond de moi, je ne suis pas pressée de connaître l'issue finale du combat. Car il y a toujours l'espoir d'une possible reddition de sa part, sinon définitive, au moins temporaire.

En attendant, et en espérant donc, je m'aménage certains couloirs de sûreté au sein même de ma fortification. On devient assez rusé pour se soustraire, pendant un court moment au moins, à la vigilance de l'ennemi. Puis on découvre tout à coup, au détour d'un coin, au milieu de la solitude, un compagnon d'infortune avec lequel on peut échanger, qui donne des conseils, partage sa vision de la situation globale, de son expérience personnelle. Ces moments-là sont inestimables. Un vrai bonheur au milieu du champ de bataille. Puis il y a les alliés qui sont là, bien que leur position exacte reste souvent voilée pour moi qui suis dans un poste avancé. Néanmoins, et même si ces alliés ne pourront jamais véritablement comprendre ce que je vis, ici, il faut avoir confiance.  Voilà ce que je me dis, alors que la confiance, c'est une entreprise fragile, et toujours à reconstruire. 

Somme toute, c'est assez étonnant ce que l'on peut endurer. Nous sommes entourés d'ennemis et d'alliés, sans oublier les cohortes d'indifférents. Notre réalité extérieure est façonnée grosso modo par les bons et les méchants, le bien et le mal. Entre les contraintes qui s'imposent ainsi à notre monde physique, il reste néanmoins - et heureusement - la liberté de pensée. Pour transformer en nuances subtiles les affrontements manichéens. Pour en faire quelque chose d'intelligent, pour exprimer l'impensé, pour faire vivre l'esprit. C'est cet acte de création qui fait véritablement de nous ce que nous sommes: des êtres humains.

dimanche 28 octobre 2012

Ombre impitoyable





Je n'aurais aucun moyen
De savoir ce qui est
Si ce n'était que le soleil
Projette mon ombre
Sur la terre et les herbes
Qui attendent - comme moi -
Les fines pétales de givre
Les enveloppant pour toujours.

vendredi 24 août 2012

The Help

La couleur des sentiments, par Kathryn Stockett

Enfin de nouveau un livre, un roman, auquel on reste collé(e) jusqu'au petit matin - "a page turner" comme disent les Anglo-Saxons.

L'histoire est celle de femmes noires, employées en tant que domestiques, dans les années 1962-1964, chez des familles blanches de Jackson, Etat du Mississipi. Comment fut-il possible que, au moment où je suis née, un esclavage de fait ait encore pu subsister au quotidien, alors qu'il avait été aboli par décret, depuis 1848, par la France et, par le 13ème amendement, en 1865, par les USA? Effarent quotidien pour des millions de personnes dont la vie - ou celle de leurs proches - risquait de basculer dans l'horreur d'un jour, d'une heure à l'autre... Définitivement, le vernis de la civilisation reste d'une fragilité et d'une précarité extrêmes ! Merci à Kathryn Stockett de nous le rappeler.

Certes, le livre - qui a été adapté en film - a fait l'objet de critiques. En particulier, et selon the Association of Black Women Historians, il ne reflète que très partiellement le quotidien des femmes domestiques, et omet quasiment totalement de parler de harcèlement sexuel, et le drame des enfants nés de ces viols. Par ailleurs, les hommes noirs sont où totalement absents, ou alors dépeints comme étant violents et alcooliques.

Ce qui me saisit tout particulièrement, c'est que ces temps-là, c'est comme ils avaient eu lieu hier - et ils continuent néanmoins à s'étendre bien jusqu'à aujourd'hui. Martin Luther King délivra son "I have a dream" lors de sa marche silencieuse sur Washington, en 1963. Ailleurs, plus loin, en Australie, la politique envers les Aborigènes autorisait l'enlèvement et le placement d'enfants aborigènes dans des familles blanches jusqu'en 1971. Et Aaron Huey a photographié et commenté d'une façon bouleversante ce qu'est aujourd'hui encore la pauvreté dans la réserve amérindienne Pine Ridge qui est "Ground Zero for native issues in the US." Le mot lakota pour désigner les Blancs est "Washitshu" qui veut dire "non indian". Mais il désigne aussi "celui qui se sert des meilleurs parts de la viande". Triste mais pertinente association d'images au vu des 85% de chômage dans la réserve...

Au fond, ne sommes-nous pas tous des Washitshus? Car qu'en est-il chez nous, que se passe-t-il sous nos propres yeux alors qu'ils ne sauront voir? Nous avons assisté, de loin seulement, par écran télévisé interposé, aux révoltes des jeunes, parties de Clichy-sous-bois, le 27 octobre 2005. Et qu'en avons-nous appris depuis? Avons-nous seulement compris la signification des évènements? Ne sommes-nous pas devant un déni similaire que celui dont font preuve les femmes blanches dans le livre de Stockett? 

Il est si facile de comprendre l'Histoire a posteriori, mais bien plus complexe d'en dessiner les contours alors qu'elle est en train de se tramer. D'autant lorsque sa dénonciation demande un véritable courage pour tout un chacun. Le moins que nous puissions faire c'est de garder nos yeux ouverts et notre sensibilité intacte.




mardi 31 juillet 2012

Grimper dans le Val Bregaglia : refuge Albigna

Spazzacaldeira, Fiamma et Co.

Un nombre de premières pour moi : partir grimper avec un groupe dont je ne connais personne, grimper en tête, poser moi-même mes protections, une partie sublime du Val Bregaglia où je n'ai jamais été,...
Le groupe à l'air sympa, atteindre le refuge est facile (un téléphérique qui nous amène jusqu'au barrage), et le dortoir est parfait puisque lits séparés, sans qu'on soit tassés comme des sardines.
Simplement, il fait archiarchi froit en cette fin du mois de juillet, et comme une débutante j'ai laissé tout le matos bien chaud à la maison. Est-ce que ça va être la semaine la plus froide de ma vie? Je mets tous mes habits sur moi, et nous voilà partis pour les instructions.
J'apprends plein de choses nouvelles, et dès le deuxième jour, je grimpe en tête dans les dalles sous le refuge. Ca se passe bien, même si j'ai le coeur qui bat la chamade. J'en arrive même à oublier que la corde ne vient pas d'en-haut, mais que je suis bel et bien quelques mètres au-dessus du dernier point.


Puis le troisième jour, largement plus agréable dans les températures,  nous "attaquons" la  Spazzacaldeira, arrête Est, avec comme but la Fiamma, cette belle petite aiguille près du sommet. Là encore, nous grimpons en réversible, et - miracle - ça continue de bien se dérouler. Certes, on m'a toujours dit que grimper en premier permettait d'être plus concentré. Mais pour moi qui suis une peureuse dans le domaine, je perds habituellement tous mes moyens, je tremble comme une feuille d'automne, incapable d'avancer. Là, il n'en est de rien, ce qui est un peu normal aussi, puisque les cotes (3c - 4c) sont largement en-dessous de ce que je sais faire (6a - 6c.)

J4, le guide me propose de grimper en tête, en menant tout le groupe, du début jusqu'à la fin sur l'arête du Piz dal Päl. Dans la première longueur, je suis nerveusement au taquet, parce que maintenant c'est à moi de trouver l'itinéraire, sous le regard de tout le groupe. Techniquement, c'est facile, et du coup, je surmonte l'émotion. J'en arrive même à aimer, d'autant que J2, j'avais grimpé un 6a+ en tête, sur le même versant. L'après-midi, nous continuons dans l'école d'escalade, un peu au-dessus, et là encore, c'est facile mais génial. Je me rends compte à quel point toutes mes sorties où j'ai grimpé en seconde m'ont permis d'acquérir de la technique - et l'escalade en bloc me donne confiance en mes mains, mes phalanges, mes bras. Sympa de construire ainsi!

Le jour 5, nous partons faire l'arrête sud du Piz Balzetto. Autant que la montée est peu technique, en dehors de deux pas un peu plus difficiles, autant il est vite délicat de trouver les rappels de la descente. Je me dis que je baliserai un maximum si je devais le faire toute seule. Il est donc vraiment rassurant de connaître des techniques et manips de corde pour pouvoir remonter si le rappel est parti dans le n'importe-quoi. Une course est vraiment terminée une fois le pied posé en bas, loin des parois et des chutes de pierre toujours possibles. En fin de journée, nous nous baignons dans un sublime petit lac de montagne, avec des têtards qui viennent grignoter un peu la peau de nos pieds. Là, il fait carrément beau et bon, c'est une ambiance paisible et décontractée, quel bonheur!
J6 et encore quelques instructions techniques - et la semaine est terminée, déjà! J'ai rarement aussi bien mangé (pain frais fait maison tous les jours, menus extras!) et dormi en refuge (personne ne ronfle, des duvets confortables, les autres grimpeurs et randonneurs silencieux, un grand merci !!). Autant dire que je vais retenter l'expérience du groupe - et surtout l'escalade en tête! Génial de continuer à apprendre et se laisser surprendre par ce que l'on arrive à faire.

samedi 25 février 2012

Bonne nouvelle - mauvaise nouvelle ?

Question facile en apparence seulement !

D'abord la bonne nouvelle : Le bonheur nous apparaît dans les couleurs les plus variées
Maintenant la mauvaise : La plupart des gens sont daltoniens
Rainer Haak

The good news: we are going to die. The bad news: I tell you how!
Bill Nighy as Quentin in "Good Morning England"


"No gnus are bad news!"
The lion to his wife, in the steppes around Kilimanjaro


"Bonne heure, mal heure", "sous de bons auspices" ou, au contraire, "sous une mauvaise étoile": dans ce questionnement, le lien est étroit avec toutes les interrogations autour du bonheur, la bonne vie et la recherche du Bien, à l'opposé de celles qui tournent autour du malheur et le Mal. (Cf l'excellent article de Didier Moulinier: Apprendre la Philosophie).

Orazio Gentileschi

Pour les Chrétiens, la Bonne Nouvelle, c'est l'Annonciation : "Allez dans le monde entier proclamer la Bonne Nouvelle à toute la création:" (Mc, 16,15). Elle est suivie d'un cortège de croyances autour du Bien divin et du Mal humain, avec l'invitation, voire l'obligation, à la purification (tiens, on y est, c'est Carême) pour une vie meilleure, exempte de pêchés. Est-ce l'ironie du sort que le métro "Bonne Nouvelle", faisant référence à l'Eglise Notre Dame de Bonne Nouvelle toute proche, rappelle aujourd'hui surtout un haut lieu de la consommation et de la futilité?
                                                   
Durant les derniers mois, j'ai été à l'affût de nouvelles concernant ma santé - ce qui se comprend aisément, bien entendu. Et de fait, j'en ai eu, des nouvelles, tout un tas, des bonnes (heureusement!!) tout comme des mauvaises. J'ai été obligée d'accueillir les deux, et chacune a sa texture toute particulière.

Nonobstant la douleur qu'elle véhicule, une mauvaise nouvelle, étrangement, arrête un point sur la ligne du temps, point incontournable et indéniable, point incontestable! On sait où on en est. On est fixé pour de bon. On voit comment faire avec. On se réajuste dans la souffrance, certes, mais on sait par rapport à quoi. Une mauvaise nouvelle est un départ vers autre chose, et dans ce départ il y a toujours aussi de l'espoir. A contrario, une bonne nouvelle, c'est merveilleux. Evidemment! On le ressent immédiatement au plus profond de soi, il n'y a pas à érgoter. La bonne nouvelle de l'issue positive de la maladie a été capitale, vitale même pour moi. Et en même temps, dans la bonne nouvelle, il n'y a rien de vraiment déterminé. Le doute a toujours sa place. Il faut se réajuster "vers le haut", mais le risque de tomber très bas n'en est que plus grand...

En thérapie, je vois en effet que pour certains, la bonne nouvelle, le bonheur, sont chose éminemment dangereuse. Car, en effet, une bonne nouvelle peut toujours être suivie d'une mauvaise - et le bonheur, quant à lui, il semble être tellement fragile que de le perdre serait bien trop douloureux. Mieux vaut donc ne pas y croire du tout. Au moins, dans le malheur, on sait ce qu'on a. 

Or, savons-nous vraiment ce qu'une bonne nouvelle ou une mauvaise nouvelle augurent? Les taoïstes sont bien plus humbles que nous le sommes, et le signe du Yin et Yang le montre si bien: dans chaque étape, il y a le noyau de sa propre transformation vers son contraire, vers une énergie toute différente. Ainsi, pour pouvoir vraiment me laisser porter par l'émotion qu'une "bonne heure" procure, il m'est nécessaire de prendre une posture toute particulière: me situer dans "l'ici et le maintenant" uniquement, et de laisser advenir les sentiments qui émergent. Ressentir le bonheur, tout en étant consciente qu'il est fugace, insaisissable, à jamais évanescent.

Plus simplement que les philosphes, érudits et nourissants à la fois, la sagesse populaire a bien saisi cette nécessaire ascèse qui est ainsi exigée de l'être humain, s'il ne veut pas se perdre dans les abîmes du doute. Je terminerai donc cet article par le conte chinois du vieux paysan et l'histoire de ce qui lui arriva. Vous remarquerez qu'elle n'a pas de fin véritable - cela aussi fait partie du chemin...

Est-ce une chance, est-ce une malchance ?  Qui peut le savoir ?
Un vieux paysan chinois avait pour seul bien un petit lopin de terre, pour seule fierté un fils intelligent et travailleur, pour seule richesse un cheval d’une rare puissance et d’une telle beauté que les plus nantis du pays lui en avaient offert de fortes sommes.
- Jamais je ne le vendrai, répondait le vieux paysan. Je l’aime comme mon propre fils.
Un jour, il se rendit comme d'habitude à l’écurie. Il trouva la porte entrouverte, le licol cassé. Son cheval avait disparu. Son fils et ses voisins partirent à sa recherche, mais ils rentrèrent bredouilles. Pas de trace de la bête, ni dans le village, ni dans les environs. Il invita alors tous ceux qui avaient participé à cette battue à boire un thé.
- Tu n’as pas de chance, dit son voisin. Ton unique bête et la voilà perdue ou volée.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, qui peut le dire ? répondit simplement le vieux paysan.
Quelques jours plus tard il découvrit devant sa ferme une douzaine de chevaux sauvages. Son cheval les avait attirés derrière lui en revenant du fond de la plaine où il s’était enfui. Voyant cela, son voisin lui dit:
- Tu as de la chance, car te voilà propriétaire de toutes ces bêtes.
- Est-ce une chance est-ce une malchance, qui peut le savoir ? répondit le paysan.
Son fils se mit à dresser les chevaux sauvages, se fit éjecter et tomba rudement sur le sol, se brisant net le dos et lui rendant impossible l'usage de ses deux jambes.
- Tu n’as pas de chance, lui dit son voisin. Ton fils est paralysé, alors que tu en as grand besoin pour te seconder. Qui t'aidera dans ton grand âge?
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le paysan. Qui peut le savoir ?”
Quinze jours plus tard, une troupe de soldats et d’officiers fit irruption dans le village pour enrôler de force tous les hommes valides pour partir à la guerre. Tous, sauf le fils du paysan qui était handicapé. Attristé, son voisin lui dit:
- Tu as de la chance, car ton fils ne doit pas partir faire cette sale guerre. On ne sait pas dans quel état nos enfants vont en revenir.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le paysan. Qui peut le dire ?”
Quelques mois plus tard, la guerre se termina. Certains n’en revinrent pas. D’autres rentrèrent, couverts de gloire et chargés d’un riche butin de guerre.
- Tu n’as pas de chance, dit le voisin, ton fils n'est pas revenu riche de la guerre.
- Est-ce une chance est-ce une malchance ? Qui peut le savoir ? dit le paysan.
Richesses vite accumulées, richesses vite dilapidées dit le proverbe. Et la misère revint, encore plus dure à supporter après une période d'abondance.
- Tu as de la chance, dit le voisin. Ton fils n’est pas rentré riche de la guerre, mais il n'est pas tombé dans cette misère noire et déprimante où sont en train de sombrer nos propres enfants.
- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le vieux paysan? Qui peut le savoir ?
Conte de sagesse taoïste

dimanche 5 février 2012

L'impensable capacité à l'opposition

Un travail herculéen en perspective


Rappelons-nous que l'un des tout premiers mots appris et prononcés par le petit homme, après "maman" et "papa", est le "non!". Quelle merveilleuse audace, alors que, dépendant et vulnérable, cet être tout neuf ose braver la Loi de ceux qui pourtant assurent sa survie.

Quelle tragédie, par la suite, d'observer comment cette implacable entreprise qu'est l'éducation - ex ducere - nous amène au prix de souffrances devenues insensibles tellement elles nous ont abîmées, au point où notre premier réflexe est celui d'acquiescer, d'opiner du chef, de nous soumettre... "Tu sais que c'est impossible, et pourtant - c'en est devenu risible - tu cherches tous les jours, dès le matin, à arranger tout un chacun." (1)

L'acquiescement nous vient donc presque par réflexe... Or, il est impossible de dire véritablement "oui" aussi longtemps que celui-ci est le fait d'un faux self. Et pour le dire avec les mots de quelqu'un qui à également dû se battre avec lui-même pour se dégager d'un "oui" soumis : "pour dire oui, il faut pouvoir dire non." (2)

Comment dès lors reconquérir cette capacité à faire opposition? Car la démarche est éminemment complexe. Une première intuition à penser le "non" est nécessaire, certes, mais largement insuffisante. Il ne suffit point de voir l'objet auquel il s'agit de résister pour pouvoir effectivement passer à l'acte. Comme le disait Nietzsche (3): "Parce qu'une chose est devenue transparente pour nous, nous pensons qu'elle est dorénavant incapable de nous opposer une résistance - et nous sommes ensuite étonnés qu'il nous est possible de voir à travers et néanmoins impossible de passer à travers. Ceci est la même folie, la même stupéfaction que celles qu'éprouve la mouche devant chaque fenêtre vitrée." Eh oui, la résistance nous résiste...


Voilà donc ce qui me reste à faire, c'est-à-dire l'essentiel : "Il s'agit de développer la puissance de défi de l'esprit; la capacité de dire 'Non' au moment juste" (4) Non pas une veine opposition de principe, donc, qui équivaudrait à un immature réflexe de faire obstacle. Au contraire, il s'agit de résister avec grâce et, de ce fait, avec un véritable discernement, engageant non seulement la pensée, mais aussi le cœur et le corps, pour déboucher sur l'action 'juste'.

 
C'est cela, je pense, que l'éducation devrait avoir comme objectif. Et si je le sais évidemment depuis belle lurette, telle la mouche devant sa fenêtre transparente, je ne commence qu'aujourd'hui à cerner peu à peu ce que cela signifie véritablement. La maladie qui entraîne au fil du temps le corps et l'esprit trop faussement consentants vers les conséquences de la pulsion de mort, m'a paradoxalement révélée qu'il était urgent d'agir. Et des relations où l'arrangement de l'Autre consomme une partie substantielle des pensées et des émotions m'indiquent vers quoi il faudrait que j'adresse ce "Non".

C'est probablement cela que de devenir véritablement adulte : savoir s'éduquer (de nouveau : ex-ducere) soi-même. Un peu comme le Baron de Münchhausen qui se sort du bourbier en tirant sur ses propres cheveux. J'ai le reste de la vie pour tracer un chemin dans ce sens. Et finalement, c'est un beau projet, car "Oser dire 'non' est aujourd'hui une forme de bravoure" (5) Quelle belle et difficile aventure donc est devant moi.


(1)Karl Heinz Söhler (1923-2005)
"Du weißt, es ist unmöglich,
Und doch, es ist zum Lachen,
Versuchst du beinah täglich,
Es jedem recht zu machen."

(2) François Mitterrand

(3)Friedrich Nietzsche, Morgenröte, Aphorismen 444:
"Weil etwas für uns durchsichtig geworden ist, meinen wir, es könne uns nunmehr keinen Widerstand mehr leisten - und sind dann erstaunt, dass wir hindurchsehen und doch nicht hindurch können! Es ist dies dieselbe Torheit und das selbe Erstaunen, in welches die Fliege vor jedem Glasfenster Gerät."

(4)Viktor Frankl (1905-1997)
"Es gilt die 'Trotzmacht' des Geistes zu entwickeln, die Fähigkeit, im richtigen Augenblick 'Nein' zu sagen."

(5) Michel Lacroix, Philosophe

samedi 21 janvier 2012

samedi 14 janvier 2012

Le chaos en soi

inaugural à la créativité, à l'émergence d'un être

"Ich sage euch: man muss noch Chaos in sich haben, um einen tanzenden Stern gebären zu können..."
"Je vous l'affirme : il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse..."
Friederich Nietzsche

Quand le corps et l'esprit parviennent devant l'infranchissable abîme, le choix de la rétractation n'est plus. Un instant de perte ineffable, d'une peur toute envahissante tel un liquide chaud, s'empare de cette enveloppe corporelle qui contient notre Moi, et le projette dans un monde insoupçonné dont les contours commencent seulement à s'esquisser. C'est peut-être là, dans cet instant d'étonnement pétrifié, qu'il est possible de se dire "eh bien, s'il le faut, allons-y pour de bon".

Et puis quelque chose m'a empêchée de franchir la frontière de cet abîme, comme cette petite fille d'une vieille gravure de mon enfance, qui est retenue au bord de sa chemise par un majestueux ange gardien, alors qu'elle suit, joyeuse, un papillon virevoltant au-dessus du précipice.

J'ai juste entrevu la porte s'ouvrir, d'un espace infinitésimal. Je suis de nouveau à la vie, oui, mais bien changée. Car cet entrebaillement m'a renvoyée à des énigmes qui me paraissent insolubles : au fond, qui est-ce qui revient ainsi dans le monde? Et pour faire quoi, dorénavant, puisque tout est si altéré, même si rien n'a fondamentalement bougé pour l'oeil extérieur?


Vaste sujet puisqu'il s'agit maintenant, après s'être laissé créer, se recréer, à partir de son essence qui reste à être découverte. Cela m'apparaît comme une tâche immense, ahurissante même, pour moi qui m'y trouve confrontée, comme si je butais devant une montagne infranchissable.

Où commencer? - si seulement cela était clair. Un mouvement interne m'exhorte à laisser choir tout ce qui ne m'est pas : les peurs, les injonctions, les fausses émotions, les désirs de l'Autre. Pas si facile que ça, très difficile même. Car il faut alors oser faire face à soi-même, assumer les plaisirs infinis, tout comme les zones d'ombre qui s'entremêlent pour l'instant encore, dans un chaos indistingué, qu'il s'agira d'ordonner peu à peu pendant tout ce temps qui m'est encore imparti.

Que l'on ne s'y trompe pas : "ordonner" ne veut pas dire "plus d'ordre". Au contraire : savoir soutenir cette indisdinction tout en faisant, en créant, c'est bien de cela dont il s'agit. Avoir "encore du chaos ensoi"... même si la promesse d'une étoile dansante ne représente qu'un lointain espoir, une lueur quelque part dans le noir que l'on pourrait deviner. Y aspirer, c'est pourtant bien cela qui nous rend humains.

Et quand la véritable création advient, elle le fait avec fulgurance : " La perfection ne serait pas devenue. - Nous sommes habitués, face à toute perfection, à omettre la question du devenir : nous nous réjouissons au contraire de tout ce qui est présent, comme si tout cela aurait émergé de la terre, par un coup de magie."

"Das Vollkommene soll nicht geworden sein. - Wir sind gewöhnt, bei allem Vollkommenen die Frage nach dem Werden zu unterlassen: sondern uns des Gegenwärtigen zu freuen, wie als ob es auf einen Zauberschlag aus dem Boden aufgestiegen sei." (F. Nietzsche, Menschliches, allzu Menschliches, IV, 145)


Et pour terminer, n'oublions pas peut-être la chose la plus délicate : créer avec humour, comme le fait si bien Amy Tan dans cette conférence sur l'inspiration qui tisse son oeuvre passionnante.  



Als Zarathustra diese Worte gesprochen hatte, sah er wieder das Volk an und schwieg. „Da stehen sie", sprach er zu seinem Herzen, „da lachen sie : sie verstehen mich nicht, ich bin nicht der Mund für diese Ohren.

Muss man ihnen erst die Ohren zerschlagen, dass sie lernen, mit den Augen zu hören? Muss man rasseln, gleich Pauken und Bußepredigern? Oder glauben sie nur dem Stammelnden?
Sie haben Etwas, worauf sie stolz sind. Wie nennen sie es doch, was sie stolz macht? Bildung nennen sie’s, es zeichnet sie aus vor den Ziegenhirten.
Drum hören sie ungern von sich das Wort „Verachtung“. So will ich denn zu ihrem Stolze reden.
So will ich ihnen vom Verächtlichsten sprechen :
das aber ist der letzte Mensch."

Und also sprach Zarathustra zum Volke :
“Es ist an der Zeit, dass der Mensch sich sein Ziel stecke. Es ist an der Zeit, dass der Mensch den Keim seiner höchsten Hoffnung pflanze.
Noch ist sein Boden dazu reich genug. Aber dieser Boden wird einst arm und zahm sein, und kein hoher Baum wird mehr aus ihm wachsen können.
Wehe! Es kommt die Zeit, wo der Mensch nicht mehr den Pfeil seiner Sehnsucht über den Menschen hinaus wirft, und die Sehne seines Bogens verlernt hat, zu schwirren!
Ich sage euch : man muss noch Chaos in sich haben, um einen tanzenden Stern gebären zu können……”

aus:
Friedrich Nietzsche: Also sprach Zarathustra (1883-1891)

vendredi 6 janvier 2012

Rien ne s'oppose à la nuit

et rien ne justifie...

Comment entrevoir la maladie qui abîme, dévore et engloutit peu à peu un être? Comment apprivoiser des questions que l'on n'ose pas penser ? Comment faire face à une réalité qui s'impose tant et qui paraît pourtant ne pas appartenir à celui qui la vit ?

Dans ma clausure du monde, de ma vie, de moi-même, je fais tourner les mots, les interrogations, les exclamations sur mon devenir, si certainement positif par moments, si fragile par d'autres. M'attacher à d'infimes détails qui me font avancer sur mon sentier parfois indéchiffrable. En extraire une joie infinie, insoupçonnée. Puis basculer vers le noir profond, l'abîme qui s'ouvre à l'intérieur de mon corps. A tour de rôle, comme une ronde  indomptable.

Delphine de Vigan en dépeint les contours, la texture et la sonorité dans son livre dans lequel elle raconte sa mère. Saisissante recherche de justesse sur ce qu'est la condition humaine lorsqu'elle est fragile, friable, lestée par un poids du passé qui se conjugue à un présent insaisissable. Lorsque les limites du corps imposent des contours étroits à la volonté, à l'esprit, à l'âme. Et où d'impensables petits plaisirs parviennent néanmoins à donner un sens à l'existence, où l'amour, sous ses contours si vagues, imprime malgré tout une direction et un sens. 

Qu'est-ce qui s'oppose à la nuit? Rien, finalement, car la nuit finit par vaincre. Vaincre, tout court. 

Et pourtant, je ne peux l'envisager, entendre, le ressentir au plus profond de moi. Car c'est bien dans ces instants, où je suis consciente que la nuit s'approche irrémédiablement, que je pense à tous ceux qui y sont allés avant moi. En la combattant, en y résistant, mais aussi parfois en l'accueillant avec résignation ou avec soulagement. C'est un savoir tout particulier : moi aussi, à mon tour, j'irai un jour vers ce destin auquel d'innombrables autres avant moi ont su faire face. C'est un savoir qui me paraît consolant, voire rassurant : je ne ferai, le moment finalement venu, rien d'autre que rejoindre ce que l'humanité a de plus profond à traverser. Je serai à ce moment-là en très bonne compagnie de tous ceux qui m'accueilleront dans la nuit.

Mais d'ici là, j'ai le temps, le temps de la vie, du plaisir - et surtout celui de la créativité. Saisir justement la fragilité et la beauté de tous ces instants offerts, volés. Comme ce cheval blanc d'Alain Bashung. Oser ce qui semble impensable. Oser et oser encore. Tant qu'il y a du mouvement, il y a de la vie.


de Vigan, D. (2011), Rien ne s'oppose à la nuit, Paris : JC Lattès

Alain Bashung : Osez Joséphine

A l'arrière des berlines
On devine
Des monarques et leurs figurines
Juste une paire de demi-dieux
Livrés à eux
Ils font des p'tits
Il font des envieux

A l'arrière des dauphines
Je suis le roi des scélérats
A qui sourit la vie

Marcher sur l'eau
Eviter les péages
Jamais souffrir
Juste faire hennir
Les chevaux du plaisir

Osez osez Joséphine
Osez osez Joséphine
Plus rien n's'oppose à la nuit
Rien ne justifie

Usez vos souliers
Usez l'usurier
Soyez ma muse
Et que ne durent que les moments doux
Durent que les moments doux
Et que ne doux

Osez osez Joséphine
Osez osez Joséphine
Plsu rien n's'oppose à la nuit
Rien ne justifie

Osez osez
Osez osez
Osez osez Joséphine
Osez osez Joséphine
Plus rien n's'oppose à la nuit
Rien ne justifie