Ahh, le taquet !
Les deux jours qui terminent la saison d'escalade veulent être vécus sur le mode "apogée". Et, bien entendu, il s'agit aussi de m'achever un peu, avant de reprendre la vie professionnelle suite à un long été de quasi-éclipse de ma part.
Les Gillardes sont le spot où cela doit se passer. De loin, en approchant le massif, on a l'impression d'être en face de deux "Half Domes" du Yosémite. Les parois verticales, déversantes mêmes, de 450m de dénivellé sont archi impressionnantes. C'est le coin des base-jumpers, ici, et cela n'étonne guère.
La première voie au nom sympathique de "Association de Bienfaiteurs" est la plus accessible de cette falaise, malgré des cotes jusqu'au 6c+. Je suis un peu impressionnée, mais finalement, j'arrive à passer le crux avec juste un tire-clou. Le rocher est varié sur les 10 longueurs : des strates fines et identiques en descente, il évolue vers des rochers plus distincts, avec des strates de calcaire/silex alternants, présentant des prééminences qui se prêtent superbement aux prises de main et de pied. Dernière longueur un pouding - qui n'inspire cependant peu confiance car partout on voit des traces de galets qui se sont descellés. Le tout est vertical, engagé, avec peu de points, et une fois de plus je suis très bien à ma place en seconde de cordée...
Le lendemain après cette mise en bouche nous sommes partis à l'aube pour "Fort, feignant, frileux", une voie aux cotes moins impressionnantes (6a+, deux longeurs 6b+), et je suis assez guillerette au début des 14 longeurs. Je déchante cependant assez vite : je me souviendrai du début en 5c, puis de tout le reste en 6a+. J'ai compris ce que veut dire une longeur de 50m, homogène dans une cote, verticale et déversante par moments... Ah, l'humilité siéd toujours bien. Là encore comme la veille, il faut vraiment grimper engagé pour le premier, car les points sont espacés de 10m, et l'on est carrément content de les trouver. Inutile de dire que je suis au taquet, et obligée de tirer sur les dégaines dans les longeurs en 6b+.
Mais le clou, c'est finalement la L13 en 6a+, alors qu'on croit avoir quasiment sorti la voie : après un dièdre technique et lisse suit une traversée horizontale sous un toit dans le rocher vertical, avec une fine fissure et RIEN pour les pieds ! En face de cette difficulté, je reste carrément plantée là, pendue au spit avec ma vache et la corde, et je me dis que ça y est, je n'y arrive plus, mes petits bras sont complètement daubés. J'aurais dû m'en douter car le guide également en a bavé juste avant moi... Ceci dit, le salut est en haut, et la pensée "c'est cuit" n'est pas admissible. Je commence donc à bricoler, à me décorder sur un brin que je fais passer dans l'oeil du spit - histoire d'éviter de prendre le pendule. Puis je défais ma vache et j'essaie d'arriver dans la ligne de faille du piton suivant dans lequel passe l'autre brin de la corde. Je me sens comme une saucisse qu'on fait fumer dans la cheminée, bien accrochée, la honte quoi. Puis une fois que je suis proche du piton, je rappelle le brin de corde qui passe dans le spit précédent et je me réencorde proprement. Tout en tirant sur la corde, j'arrive à me hisser péniblement vers le prochain clou... Quelle manoeuvre peu glorieuse, mais bon, j'ai réussi à franchir l'impossible, avec quelques larmes, et surtout très furieuse que tout cela ait été pourvu avec une cote aussi "minable"... En lisant les commentaires sur camp-to-camp, personne ne parle de cette incohérence dans la cotation, et la difficulté de ce passage. Définitivement, à part moi, il n'y a que des héros dans cette voie ! Bref, la dernière longeur de nouveau dans le puding et un petit surplomb de "rien du tout" en 5c et au bout de 10 heures dans la voie, nous sortons enfin.
FFF est très certainement la voie la plus difficile que je n'ai jamais faite. Au dernier relais, j'ai regardé vers le bas, et je n'ai pas pu voir le socle de la paroi, tellement elle est surplombante. Et cette aventure me dit aussi qu'il faut sacrément se méfier des cotations, en fonction de l'année d'ouverture de la voie. Si tu as dans un topo un 'Dièdre-cheminée, 4+' avec une ouverture dans les années '50, tu es sur que c'est complètement banzaï comme course. Et puis avec l'arrivée de l'escalade libre, dans les années '80, tu as des voies super engagées et des cotes du genre "même pas difficile", car fallait quand-même prouver aux potes qu'on y arrive finger-in-ze-nose ! Donc, je me répète, dans ce sport, "humilité" est toute proche de "humiliation", et vaut donc mieux prévoir large lorsqu'on s'engage dans une voie de ce genre, eh oui, petit scarabée.
Au total, je suis très fière d'avoir réussi, à ma façon peu orthodoxe, certes, une voie aussi superbe et difficile dans ma troisième année d'escalade. Je rentre chez moi les avant-bras en compote, et je suis tellement crêvée la nuit tombante que je n'arrive même pas à dormir... Ah, que c'est doux de bosser trankilou derrière un bureau. Et pourtant, au bout de trois jours, j'ai déjà envie de repartir. C dingue !
A recommander : Hôtel La Neyrette à Saint Disdier (à 5 min. des voies), avec un excellent dîner, et, pour ceux qui se lèvent tôt, un plateau petit déjeuner superbe et généreux ! On peut aussi y laisser les affaires pendant la journée, car "ça" casse sur le parking en bas de la paroi...
A recommander : Hôtel La Neyrette à Saint Disdier (à 5 min. des voies), avec un excellent dîner, et, pour ceux qui se lèvent tôt, un plateau petit déjeuner superbe et généreux ! On peut aussi y laisser les affaires pendant la journée, car "ça" casse sur le parking en bas de la paroi...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire