vendredi 5 août 2011

Monet au Musée Marmottan et dans les collections suisses

Expo d'été à la Fondation Gianadda, Martigny

Ce livre est un labyrinthe, chemin qui avance tout en faisant du sur-place, revient sur ses pas, continue, tourne, piétin, débouche sur un autre chemin qui se croise avec le précédent, à moins que le précédent soit un autre et que le temps passé dans ces interrogations qui n'aboutissent qu'à d'autres interrogations soit l'illusion d'un voyage qui reste toujours sur place.
Maurice Béjart, La Mort subite

On fait la sortie culturelle oblig lors d'une journée où il fait mauvais - donc n'importe quand en ce début août. Et on se dit que, si on en a vu, du Monet, il est toujours aussi beau à redécouvrir car c'est bien "le peintre qui sut toucher l'intangible"(1). L'expo à Martigny nous promet donc cette fois-ci plus de plaisir, moins d'injonctions de "devoir se cultiver", que pendant d'autres saisons.

Les oeuvres les plus surprenantes dans cette exposition d'une cinquantaine de tableaux sont ceux qui proviennent de collections privées. Un Monet perceptible dans ses différentes étapes et phases d'exploration nous promène à travers son époque. Les faubourgs de Paris, tout encore en nature, en brume, en roseaux au bord de la Seine, font passer un parfum doux et un peu mélancolique de nostalgie. Brumes sur la Seine, la Seine à Argenteuil... autant de vues sur un passé tout proche, qui pourrait être le nôtre, et qui pourtant ne l'est plus.

Plus divers, plus minutieux et appliqué dans sa première phase de vie, Monet s'intéresse à la fois à la nature et l'industrialisation anvançante. On le sent avide de la vie, explorateur des rapports de l'homme à la nature, tout en donnant cette incomparable touche qui est la sienne. On ressent aussi dans son oeuvre qu'il y arrive, qu'il est relié au monde, qu'il y a ses entrées, et qu'il y est reconnu.

Lorsqu'il a perdu son premier fils, et qu'ensuite il se retire à Giverny, ses tableaux deviennent plus monotones, d'après mon goût, en même temps qu'il s'avance peu à peu vers l'Art Abstrait. Les nymphéas, le pont japonais, les saules pleureurs, la roseraie... ces tableaux laissent transpercer pour moi un homme qui a largement goûté à la vie et qui s'en contente, s'en fatigue peu à peu.

Un passage par la collection d'estampes japonaises que le peintre a faite pendant son vivant me révèle des oeuvres remarquables, stylisées mais toutes proches de la vie. "Mère attentive au jeu de son enfant" (Utamaro, 1806), "Femme dans un barque surveillant la baignade des enfants" sont des scènes que je n'aurais pas devinées ici. Et pas non plus les quelques Hokusai qui font partie de cette belle collection.

Pour finir, un passage dans une autre aile nous promène parmi des photographies de Maurice Béjart, en action, aux beaux yeux malicieux et espiègles, en quête de cette vérité de la vie telle qu'il l'a exprimée dans "La Mort subite".(2) Etrange paradoxe, mais c'est précisément cela qui est si inspirant. Et avec les mots de Nietzsche qui parle des mêmes tourments : Partout, rien que les vagues et leur jeu. Tout ce qui fut jamais malaisé a sombré dans l’azur de l’oubli. Mon canot paresse au port. Tempête et traversée – comme c’est oublié! Espoirs et vœux se sont noyés; l’âme lisse, lisse la mer. (Friedrich Nietzsche)

(1) Octave Mirebeau, « Claude Monet » in L’Art dans les deux mondes, Paris, 7 mars 1891, dans Dossier de Presse, Fondation Pierre Gianadda, été 2011
(2) Maurice Béjart, La Mort subite, avec Gaston Berger, éditions Seguier, 1990

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