dimanche 29 août 2010

Courses à pied : les 25 bosses (Trois Pignons - Fontainebleau)

Je me suis dit hier : je dors bien, je me réveille comme ça ce trouve, et je fais mon record aux 25 bosses.
A 7h00 donc debout, puis départ vers FB un peu plus tard. J'ai amené mon nouveau petit sac à dos, avec biberon intégré, et en plus la détermination d'en découdre avec mes 3h30 pour le circuit entier (aucune bosse squeezée!)

Je commence la course très motivée : température idéale de 12°C, personne sur la route, bonne musique et puis le fait de renouer avec les sensations du physique à fond après 15 jours de travail. Je pars toujours du parking du Rocher Cailleau, dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, en me disant qu'un jour je vais tenter la version réputée plus facile, en commençant tout de suite vers les grosses bosses du .... et en prenant le sentier dans l'autre sens. Mais je suis supersticieuse : pour battre mes 3h30, je dois bien rester sur le chemin, et ce n'est pas toujours chose facile, surtout si l'on vient de l'autre côté. Merci tout de même à ceux qui ont rafraîchi les marques pendant l'été ! On les voit bien mieux même s'il reste de petites ambiguités. Pas grave, cela me permettra de gagner encore quelques minutes sur les micro-pertes de chemin la prochaine fois.

Il fait un temps exceptionnel, et la forêt se présente dans sa robe splendide de fin d'été. Les bruyères fleurissent de lilas nuancés, subtils, allant du lilas clair, puis soutenu, jusqu'au rose. Les châtaigners arborent des couleurs profondes, brillantes et imposantes, vert foncées, juste avant de chavirer vers le doré. Et les pins ont déjà laissé tomber tout un tapis d'aiguilles sur lesquelles le pied amortit doucement, avec un petit craquement tout en finesse. Je trouve cependant que le chemin est de plus en plus érodé, probablement dû aux orages et au mauvais temps de cet été qui ont aggravé les effets des passages de hordes de gens (dont je fais partie :o(. La forêt est fragile, et quand je vois les attroupements de promeneurs, grimpeurs, coureurs et autres touristes qui s'y engoufrent, je me demande s'ils sont conscients de cette beauté unique et friable. Bon, le politiquement correct me dit qu'il n'y a pas que l'écolo de base qui est capable d'apprécier, mais pour une fois (de plus!), je n'ai pas envie d'être politiquement correct.

J'essaie d'envoyer dans les montées après mes courses diverses en montagne. Il est certain que les bosses après la croix St. Jérôme cassent un maximum. Mon sac à flotte me fait très mal au dos : à chaque pas, l'eau bouge et cette masse en mouvement irrite incroyablement mes dorsaux. Je dois mal m'y prendre, c'est très certainement un truc à régler. A part cet inconfort que j'oublie dans l'effort, je me sens assez en forme, et je croise et recroise des coureurs - quasi uniquement des hommes, d'ailleurs. Je les ai comptés, environ 25 trailers matinaux - dont une seule autre femme que moi. La question s'impose : mais que font les nanas, bon sang? Il y en a heureusement parmi les marcheurs, mais quand-même, le taux de 2 filles en course à pied par 24 garçons, c'est franchement inquiétant.

Peu importe, ma joie dans le mouvement retrouvé est vraiment intense. J'avance presque comme je veux, je ne me perds plus que très peu de fois, et au bout d'un temps, le pied prend le pli pour atterrir correctement sur les rochers recouverts de sable. J'indique le chemin à plusieurs mecs qui sont assez paumés, même pas certains d'aller dans le bon sens... J'entame le Rocher Guichot, presque le dernier avant la fin du circuit - et j'arrive à la voiture au bout de 3h10 de course. Yesss !! c'est un nouveau record - et qui sait, peut-être la voie ouverte vers un temps en dessous de 3h00?

Midi, je reprends le volant pour rentrer chez moi, j'ai l'impression d'avoir vécu déjà une journée vraiment top. A refaire!!

lundi 16 août 2010

Courses à pied : Solalex

L'entraînement en continu

Je me le suis mis dans la tête : aujourd'hui je courrai jusqu'à l'alpage de Solalex. Pas une mince affaire, puisque je ne l'ai jamais fait auparavant car c'est loin - et il pleut fort depuis X jours, je ne me souviens même plus...

Je pars donc sous la pluie, en montant les chemins dans la forêt de hêtres. Le hêtre, c'est mon arbre préféré, car il devient gigantesque avec les centaines d'années, son écorce est toute lisse et grise, ses feuilles sont d'un vert clair presqu'électrique au printemps et d'un vrai doré à l'automne. Les écureuils survivent à l'hiver grâce à ses fruits. Ici, il y en a un, il est d'un roux magnifique, avec une queue touffue et soyeuse - cet écureuil-là a failli se faire attraper par un chat lorsqu'il s'était réveillé pendant son hibernation, en allant à la recherche de ses caches de fruits de hêtre. Il avait pu se sauver de justesse, en s'accrochant - presque déjà entre les griffes du chasseur - tel un acrobate, aux petites branches à sa portée... 

Il fait très froid pour un mois d'août : 11° C sous une pluie sans interruption - et après peu de temps, mon bras droit qui est plus exposé au vent, ressent une décharge nerveuse électrique à chaque fois que je le bouge. Mes tennis et mon t-shirt sont trempés au bout de très peu de temps de course dans les hautes herbes.
Pourtant, ma semaine passée à la montagne me laisse sentir entraînée, prête à bondir en avant, et je monte assez facilement le chemin parfoirs très raide, jusqu'à l'alpage de Solalex, en passant par le joli village de Gryon. J'emprunte de petites routes, des chemins et sentiers qui semblent être là depuis toujours. C'est un aspect que j'aime beaucoup en Europe : partout, le promeneur a l'occasion d'aller sur des chemins anciens qui semblent s'entretenir par eux-mêmes. En vérité, ce n'est pas le cas : ils ont été tracés depuis des temps immémoriaux, et continuent à être empruntés souvent, ensemble avec les servitudes qui passent devant les fermes, à travers les villages, par delà des terres de propriétaires, pour mener à des pâturages communaux. En Suisse, il est ainsi possible de retrouver des côtés presque communistes où chaque paysan et armailli a le droit de mener ses bêtes à l'herbe mise en commun. L'alpage de Solalex est ainsi encore en possession publique, et chacun est libre d'y aller et venir comme bon lui semble.



Ceci est une grosse différence par rapport aux pays comme l'Australie ou les Etats-Unis qui ont été colonisés à partir de projets majoritairement individuels et de nature propriétale. Si des chemins existent en dehors des centaines de kilomètres de terres clôturées, le promeneur y trouve à coût sûr un panneau indiquant qu'il est obligatoire de rester sur le sentier - autrement, "trespassers will be prosecuted". Rien de tel en Suisse, ni en France ou en Italie. L'individu ici est souverain et la communauté lui accorde un droit de libre circulation.

Mon chemin passe ainsi dans des forêts assez sombres, puis sous la gigantesque falaise du Miroir de l'Argentine dont j'ai fait la voie Zygofolis l'année passée. J'arrive à l'alpage de Solalex, où une fontaine de 1888 m'abreuve d'une eau de fonte de glacier - ma préférée puisqu'elle n'est quasiment pas minéralisée. Encore un acquis européen: ici, l'eau, au nom de laquelle sont d'ores et déjà menées des guerres dans d'autres parties du monde, coule librement, pour qui en ressent la soif et le besoin.

A Solalex, et puisque c'est le mi-chemin, je visite une minuscule exposition d'oeuvres miniatures : des cadres en bois, montrant des reconstitutions de scènes d'alpage, comme celle d'une petite fromagerie sur feu de bois (j'en ai moi-même fait, des fromages de chèvre, quand j'étais petite), des chambres à coucher dans un alpage, des ateliers de taille de bois, des cuisines, des étables, des découpes miniatres de Poïa et des peintures de troupeaux de vaches etc. Tout cela, c'est bien suisse, c'est certain, mais cela m'émeut un peu - si seulement je n'étais pas tellement trempée et frileuse à l'arrêt.

Je redescends en courant rapidement de l'alpage pour essayer de me réchauffer un tant soit peu. Il n'y a pas de voitures, personne à pied, vraiment personne. La pluie m'enveloppe de bout en bout. Je mets 2h45 pour une vingtaine de kilomètres, et 600m de dénivelés au total. En rentrant au chalet, le brouillard s'associe à l'humidité, et c'est un temps presque préhistorique qui m'accompagne sur les derniers kilomètres.

Les gouttes de pluie dégoulinent de mes cheveux, je rentre trempée mais heureuse. La douche tiède brûle comme du feu sur la peau glacée. Encore un vécu qui ancre dans le pur physique, le réel, le basique. Une très bonne journée qui commence ainsi.

dimanche 15 août 2010

Salles d'escalade : Bern (Magnet)

La salle d'entraînement de l'équipe de Suisse

Depuis que les salles d'escalades ont pris leur essor, il n'y a plus aucune excuse de voir baisser son niveau sous prétexte de mauvais temps. En raison des averses qui tambourinent sur le toit du chalet depuis toute la nuit, la salle près de Bern (Unterwangen) est une très bonne option pour tester l'explosivité des muscles après une semaine d'effort de résistance.

J'y vais toute seule, ce qui est possible parce qu'il y a une petite partie de bloc, toute en dévers, en force, et pas forcément en insistant sur les astuces inhérents à la résolution de problèmes. Il y a de quoi faire pendant 2 heures, ensuite mes bras sont vidés. Mon niveau depuis la dernière fois ici, en février passé, n'a pas augmenté, ce qui est bien entendu fâcheux, mais en même temps, je me dis qu'après l'escalade en montagne, le bloc est toujours une épreuve.

Pour une fois, il y a un peu de monde dans cette salle puisqu'on est dimanche et qu'il fait un temps déplorable, mais ce sont surtout des cordées qui s'entraînent dans les voies. Parmi tous ces gens, quasiment personne grimpe en second - ce qui m'impressionne, car j'ai toujours autant de difficultés à affronter l'escalade en tête. Ça viendra, ça viendra, restons confiants !
L'escalade de bloc est encore relativement balbutiante en Suisse. Les grimpeurs aiment surtout l'adrénaline liée à la hauteur - mais l'inconvénient c'est qu'il faut avoir un compagnon de cordée. L'escalade sur pan est bien plus facile à organiser puisqu'il est possible d'aller en solo, même si on a peu de temps disponible. Pour la salle, c'est un investissement moindre, car il n'y a pas de nécessité de disposer des mêmes infrastructures, de machines, etc. Et puis les problèmes de bloc sont différents, les prises ne sont pas posées de la même manière. Il est donc très probable que l'escalade sur pan se développera également en Suisse.

Je vois que Bächli est présent avec ses catalogues, son affiche, et je me dis que presque tout le monde ici en est certainement client. Un grimpeur vient s'entraîner près de moi, on se cause un peu, je ne bronche pas et je reste incognito, ça m'amuse.

Tiens, je constate que l'entreprise sponsorise aussi le Swiss Climbing Cup qui aura lieu les 4 et 5 Septembre ici, dans le Magnet. Il faut rester présent sur tous les fronts, cela semble clair, et c'est une occasion toute trouvée. Tout le monde peut s'inscrire pour participer à la compétition - ce sera un public jeune, d'emblée très fort, ce qui laisse toujours rêveur.

J'avais vu une fois l'équipe de Suisse s'entraîner dans cette salle et la détermination et le courage de ces garçons et filles sont impressionnants. Combien arriveront cependant à percer? L'entreprise Bächli est régulièrement sollicitée pour sponsoriser des jeunes, mais s'ils ne sont pas vraiment excellents, on est en droit de se demander si c'est un service à leur rendre de leur faire croire, en leur fournissant du matériel, qu'ils auront un avenir en tant que grimpeurs professionnels. La concurrence internationale est bien entendu très rude... N'empêche, j'admire la confiance de tous ces candidats, et je trouve qu'ils ont un mental bien fort. A s'en inspirer !
 

Une histoire de fleurs

A propos des fleurs de montagne...

Le presque invisible jardin d'altitude des Contreforts du Ban (post du 14 août 2010) me rappelle mes années pendant lesquelles je me suis investie dans la peinture de tableaux, après trois années de peinture sur porcelaine. Il y eut déjà quelques montagnes, beaucoup de fleurs, ce fut un exercice de patience.

En voici le résultat (2001-2004) - j'avais exposé, au sein de la Mairie, le tableau du Champ de Tulipes ainsi que les Coquelicots et Marguerites. Une première confrontation au regard d'un public... un moment très excitant.




Dents du Midi
(aquarelle sur papier)

Champ de Tulipes
(huile sur toile, 90x90 cm)

Coquelicots et Marguerites
(huile sur toile, 90x90cm)

En montant vers le sommet de la Tour d'Aï à Leysin
(huile sur toile, 90x90 cm)

Etude du "Bonnet de Prêtre" - Eonimus européen
(aquarelles sur papier)

Bouquet de violettes odorantes
(aquarelle sur papier)

Le jardin (aquarelle sur papier)

samedi 14 août 2010

Grimper dans les Hautes Alpes : un aperçu de possibilités superbes

5 jours hors pair d'escalade variée 

Vers où se tourner lorsque la météo n'est pas stable, qu'on a projeté de faire une semaine en montagne, et que l'on veut éviter les foules ? Les Hautes Alpes, que j'avais déjà un peu découvertes l'an passé avec l'Aiguille Dibona  (voie Madier) et Ceillac en Queyras, pour la cascade de glace. Cette année encore j'ai été impressionnée par le nombre des possibilités, la beauté des faces, la qualité du rocher et le peu de monde alors que nous étions la semaine où toute, oui toute, la France est en vacances.

Tour Termier, qui fait partie du Grand Galibier, 1er jour. Nous sommes un peu tard, il y a déjà du monde dans les voies, et on attaque au moins pour le début les trois premières longueurs dans "Feu Sacré" (qui est trop dure pour moi car cotée TD+, et 7a dans le crux) où il n'y a personne. J'y arrive, dans du 6a+, contente cependant de rejoindre en L5 "Ponant Neuf" la voie initiale-ment prévue, plus facile (TD-).

2ème jour, j'ai besoin de repos après la première journée de remise à niveau. Ailefroide - là, c'est la foule au grand complet, car on y trouve des voies de toutes les difficultés. On est dans le secteur La Poire, du granite, très belle ligne, je randonne - et cela me fait du bien même si c'est facile.

J 3, levée à 3h30 du matin, j'ai du mal à croire que je consens à cela pendant mes vacances !! Nous partons d'Ailefroide, en voiture, pour rejoindre la Sagnette, objectif Soleil Glacial, dans un coin très sauvage du Pelvoux. On se trompe plusieurs fois de chemin - je ressens mon moral tomber. Pourtant, cela fait partie d'une course : comment continuer à se remotiver une fois que tout ne s'est pas déroulé comme l'on a prévu ? J'y parviens après une véritable auto-hypnose, et on finit par attaquer la voie. C'est toujours très impressionnant, le matin, il fait froid, la paroi paraît sombre, voire hostile. Etrange, il pluviote, alors que les prévisions météo avaient été bonnes. Nous y allons quand-même, en sachant que nous pourrons nous échapper dans la voie, en rappel, le cas échéant. Quatre premières grandes longueurs et nous parvenons sur une large vire qui laisse apercevoir la continuation de la course, une paroi magnifique, dans un rocher compact et esthétique. Mais sur les sommets autour, les nuages et l'humidité s'accumulent. L'orage en montagne est un risque véritable et redouté, il faut savoir descendre en très peu de temps sous peine de s'attirer la foudre dans le sens littéral du terme. Pour nous, il y a incertitude, plus un nombre de "signes" - accueil étrange la veille, à l'auberge, dîner carrément mauvais, nous nous sommes trompés deux fois de chemin, pluie au pied de la voie et puis ces nuages inattendus, peu amicaux - qui font que nous décidons finalement d'abandonner. Difficile, difficile, et nous nous disons que ces "signes", c'est peut-être juste notre inconscient qui bricole son "intuition". Oui, cela tient à quoi, une intention ? On discute, on ergote avec soi-même, et quand la décision est prise, on est un peu soulagé, en même temps que les regrets grondent intérieurement. Mais il faut aussi savoir renoncer, c'est même tout un art, au fond. Quand nous arrivons dans les rappels, nous voyons deux cordées d'Italiens avec du matos pourri qui ne font qu'attaquer la voie !! Ils sont très tards, ces gars-là, et qui plus est, ils avancent apparemment sans se poser des questions, car ils n'ont aucune envie de savoir pourquoi nous rebroussons chemin. Probablement, ils parviendront à leur but, et je suis furieuse intérieurement, en les maudissant petitement tout en remballant mon harnet, le casque, la corde.
Du coup, nous nous consolons avec des voies de couenne à près d'Ailefroide, 6a, 6b très physique puisqu'en dévers. Je n'y arrive presque pas, je râle, je maugrée, mais je me bats. Récompense : j'aperçois une minuscule chauve-souris, dans un espace d'un bout de rocher en forme de tuile. Elle prend la place d'une excellente prise, ne bouge pas d'une oreille, je peux la voir à une distance de 10 centimètre ! Cette petite mignonne, elle rachète la journée pour moi, c'est certain. Au bout de trois longueurs de corde, c'est fini, je suis au bout du rouleau au vu de l'heure du lever. Repos mérité d'autant que les nuages enrobent maintenant tous les sommets. Nous avons bien fait d'abandonner, je me dis, même si maintenant nous serions certainement sortis de la voie initialement entreprise...

J 4, le matin, au Ponteil nous nous engageons dans La Martine, l'une des plus belles voies que j'ai faites pour l'instant, dans un rocher incroyablement beau et adhérent, très raide. Un immense plaisir, puisque juste la bonne difficulté pour moi.

Puis nous nous organisons pour le lendemain : vivres, sacs nickel et matériel. L'objectif, c'est pour ce soir le petit Refuge des Bans, dans le parc des Ecrins. Il est assez facilement accessible - et à notre surprise quasiment vide le soir, quand nous arrivons, alors qu'il fut complet la veille et qu'il le sera aussi le lendemain. Nous sommes adorablement accueillis par un jeune couple qui fait en plus merveilleusement la cuisine, toute bio (ce qui nous change de la vallée, d'Ailefroide, le Pelvoux dont on aime mieux oublier ces côtés-là du séjour). Coucher au plus tôt, car pour J 5 nous avons prévu une grande course, et il vaut mieux être en forme. Puisque aucun mec ne ronfle, je dors comme un loir jusqu'à 4h30.

J 5, donc, départ à 5h15, sur un névé raide de près de 45° vers le haut, et qui mène qu pied des Conforts des Bans. Piolet et crampons sont les indispensables ici. C'est une montée assez éprouvante, de 700m de dénivélés, en un peu moins de 2heures, pendant laquelle les pensées tournent autour de choses très basiques, à la manière d'un Mantra : "J'arrive à avancer encore un pied, je reste dans la trace de l'autre qui me précède juste d'un pas, je m'approche doucement de l'objectif, je m'entraîne pour l'après-vacances..." et ce genre de choses. C'est étrange, c'est exactement ce côté extrêmement simple, très proche du pur physique, pour ne pas dire la "survie" qui m'enracine, qui me centre dans ma vie qui se déroule majoritairement en dehors de la montagne. Et c'est pourtant une énergie dans laquelle il n'est pas facile de se mettre, c'est toujours de nouveau un effort à faire lorsque le quotidien citadin nous captive par toutes ses étincelles.
Notre voie "Sous le Soleil de Satan", qui fait 400 mètres de dénivelés impressionnants sur le pilier est de la paroi - une gigantesque dalle de calcaire en Haute Montagne. Ici, la cotation est au maximum du 6b/A0, mais l'ensemble de la course est indiquée par TD+ en raison du sérieux, de l'engagement que cela signifie : trouver le départ, ne pas se geler au tout petit matin sous au pied de la voie, prévenir l'onglet qui laisse les doigts sans force aucune, oser regarder vers le haut interminable sous le ciel matinal, vérifier trois fois que l'on est bien encordé. Et puis pour le premier de cordée, celui qui a la responsabilité de la course, c'est encore bien autre chose : trouver les points d'assurage, mener et s'engager dans la voie, risquer la chute, décider si le temps reste assez beau pour poursuivre... C'est une sacrée charge pour le moral, et il faut avoir beaucoup d'expérience pour savoir guider une course de ce niveau. Pour moi, c'est plus facile, je suis, c'est incomparable. J'ai de la chance, car j'ai un guide très compétent. Nous faisons une extraordinaire course, qui dure toute la journée, et où l'escalade rejoint la beauté. D'autant que des Edelweiss en touffes denses, des Campanules, Saxifrages, minuscules Joubarbes et le Génépi font de petites tâches de couleur tout au long d'un rocher compact. Elles fleurissent pour ceux qui savent les voir, et ce sont de véritables petites lumières tout au long de l'ascension qui accompagnent nos pas de danse sur le rocher. Nous redescendons en rappel, sans heurts, nous engageons précautionneusement sur le névé raide qui est devenu mou sous le soleil, et rejoignons le refuge, plus bas encore la voiture puis nous rentrons.

Ce fut ne semaine merveilleuse avec des souvenirs incomparables !

PS : les petites fleurs dans la paroi poussent malgré une adversité incroyable - et elles fleurissent sans faire de bruit, dans le silence, gratuitement, non remarquées. Cela me rappelle ce reproche à Marc Chagall : "Tous ces détails dans vos vitraux, ils sont trop petits pour que l'on puisse les voir !" Il répondit "Ce que je peins, ce n'est point pour les Hommes, c'est pour Dieu qui, Lui, les verra !"





dimanche 8 août 2010

...et le sacrifice des garçons, des hommes

Un pendant terrible au post précédent

Refaire le plein de livres - dont celui d'Uzodinma Iweala, jeune écrivain né aux Etats-Unis, diplômé de Harvard, en voie de terminer ses études de médecin, travaillant pour la réhabilitation d'anciens enfants soldats. Son premier roman publié en 2005 "Biests of No Nation" (en français "Bêtes sans patrie") est terrifiant, dépeignant une Histoire nigériane qui est presque absente, à l'arrière plan seulement, et qui relate pourtant des faits d'une horreur quotidienne, broyant des populations entières, et de jeunes garçons avant tout. Ces petits soldats malgré eux, mercenaires pour des warlords sans loi, nous sont contés dans un récit plein de vie, fait d'incompréhensions et de terreur par rapport à un destin qui ne devrait pas être le leur. Ces enfants-là sont autres, et pourtant, ils  sont aussi si proches de nos enfants à nous. L'idée que cette vie pourraît être celle de nos jeunes générations, nous voulons la mettre tellement loin, tellement loin, au point où l'Afrique reste bel et bien un continent entièrement oublié.


Pourtant, les enfants soldats, c'est aussi le sujet d'autres histoires dont je me souviens, comme celle de "Allah n'est pas obligé" (2000), un livre d'Ahmadou Kourama (Prix Renaudot, Prix Goncourt des Lycéens 2001) déjà lu il y a quelque temps. Un récit moins concis que celui d'Iweala, parfois presque lassant, mais toujours aussi vrai et dérangeant sur les enfants soldats du Libéria et du Sierra Léone. La maladie, la sorcellerie, la condamnation et l'exclusion font encore une fois appel à nos propres fantasmes refoulés, et nous exhortent à nous les représenter, les malaxer, les travailler, sous peine de les agir, les vivre sous une forme ou une autre. Car non, Allah n'est pas obligé d'être juste, et un destin comme cela peut tomber sur n'importe qui... avec plus de risque, cependant, pour ceux qui "sont petits nègres", comme le dit le héros, Birahima, un garçon de 10 ou 12 ans, qui ne connaît pas son âge véritable.

De tous ces sujets profonds, à travers la trame des malfaits de miliciens, la voix de Léonora Miano (prix Goncourt des Lycéens 2005) en parle aussi, d'une manière puissante, effrayante, à peine soutenable. A l'Intérieur de la Nuit (2005) est le début d'une trilogie impitoyable. Le lien tribal qui lie l'humain à l'autre, l'étranger qui vient perturber ce fantasme initial d'une fusion éternelle, ce sont bien entendu aussi nos thèmes à nous. Nos peurs, nos angoisses, nous mettons pourtant tellement de soin à les éloigner loin, loin de nous. Refoulement, clivage - le terrible, ce n'est pas nous. Et pourtant - là encore, la réalité nous rattrape puisqu'elle se déroule presque sous nos yeux, fussent-ils fermés.

Le sacrifice des filles, des femmes...

Urgent : que penser ?

En Australie, société véritablement multiculturelle, la presse s'interroge sur l'interdiction de la burqa par le gouvernement français. Cela ne revient-il pas, entre autres, à enfermer ces femmes définitivement chez elles et leur ôter encore des libertés, si infimes soient-elles?
Lorsque nous survolons Lahoré, le Pakistan, cette région du monde en proie aux évènements graves, je me dis que juste en-dessous de chez moi dans cet avion, il y a tant de drames qui se jouent.
Ma fille me demande, au bout de près de 40h de voyage, en voyant assis à côté une jeune maman qui porte le foulard, ce que je pense de cette question qui l'interpelle aussi. Rien, évidemment, rien dans mon petit agacement et ma fatigue d'un retour en France interminable.

Je suis de nouveau chez moi, je parcours les journaux et magazines qui se sont accumulés pendant ces dernières semaines. Je tombe sur le TIME du 2 août 2010, la couverture montrant Aisha, jeune fille afghane mutilée, avec le titre "What happens if we leave Afghanistan". La photo, l'article sont pour moi un choc, une révolte - mêlés tout de même au soupçon que les militaires et les services de l'intelligence américans, devant la déconfiture dans ce pays insoumis, ont bien besoin d'un tel coup de pouce.

Soupçons de propagande donc, oui, mais néanmoins, il y a la réalité de ces 20 millions de femmes qui "manquent", dans le sous-continent sud-asiatique (Inde, Benglades, Pakistan) ! 20 millions - des fétus féminins avortés, de petites filles que l'on refuse de faire soigner par le médecin et que l'on laisse mourir, de jeunes filles mariées précocement à un homme qu'elles n'ont très majoritairement pas choisi, et lorsqu'elles n'arrivent pas à accoucher d'un garçon, il leur arrive ce qui est relaté par les journaux comme un "household accident" auquel souvent les victimes ne survivent pas, ou alors plus que comme des phantômes n'ayant plus leur place parmi les vivants : brûlure avec du kérosène, jet d'acide dans le visage... Ou lorsque ces femmes n'arrivent plus à subir les mauvais traitements de la part de la belle-famille, il leur arrive bien trop souvent ce que Aisha a dû se laisser infliger par son propre mari.

Donc, que penser ? Pouvons-nous avoir un débat dépassionné autour d'un sujet aussi grave? Le Sydney Morning Herald du 7 août 2010 cite un nombre d'auteurs afghans, d'organisations féministes qui appellent à un débat nuancé. Je me suis rendue compte de l'importance d'une telle réflexion de qualité, lorsque j'avais habité en Inde, en me posant la question de l'égalité des droits des femmes indiennes. L'exemple d'un parcours allant toujours plus à la nuance est celui d'Elisabeth Bumiller qui a écrit cet excellent livre. A quand un tel document sur les femmes afghanes?

Ici, en Suisse, la radio relate les interrogations des différents cantons sur la pertinence d'une interdiction du port du foulard dans les écoles. Certains cantons, comme le Valais, n'en ont jamais eu à en débattre. La ministre de l'éducation du canton de Zurich propose que chaque école, chaque instituteur puisse décider au cas par cas ; du moment que cela se fait dans la bonne entente avec tous les intéressés... Petit monde bienheureux - et cela me fait tant de bien - mais pour combien de temps encore ?


samedi 7 août 2010

Heimat - mais qu'est-ce donc ?


Un mystère pourtant si quotidien

Je me suis demandée, en revenant en Suisse, au moment où j'ai passé la frontière, si j'étais 'de nouveau' - ou 'encore' - ou alors 'aussi' - "chez moi", ici, dans ce pays dans lequel je n'habite plus depuis près de 25 ans.

En l'occurrence, le passage de la frontière de la France dans mon pays d'origine ne me laisse pas indifférente. En dehors du plus évident (paysages, noms des villages, nature des routes), il y a des choses imperceptibles qui changent, et cela non pas seulement dans l'environnement, mais aussi chez moi, dans mon attitude interne, mes émotions. Sauf que pour tout cela, les mots ne me viennent qu'en allemand, ou à la rigueur en anglais. Car pour ces mots-là, il n'y a pas d'équivalent en langue française.

"Heimat", par exemple, c'en est un. Il est même chargé en Histoire terrifiante, celui-là, car il évoque la patrie, le sol auquel l'individu se sent attaché, le sang qui coule dans ses veines... Heureusement, Ricarda Huch en a si bien parlé, de cette "Heimat", du "daheim". Elle nous a tous un tout petit peu rachetés par sa conduite lors des années fatidiques - en conséquence de quoi elle est autorisée à en parler - sans évoquer de soupçon - de la chaleur de l'âtre, de la sécurité que je qualifierais de "ontologique" que l'individu y ressent, de la "Geborgenheit" - encore un mot intraduisible, hélas, mais qui évoque si bien la chaleur du nid...

Il y a "Heimweh", ensuite, une certaine nostalgie de ce pays, de ce lieu d'origine et d'enracinement, de la famille qu'on y a laissée, des souvenirs qui y sont liés - provoquant une petite pointe de douleur au niveau du coeur, entre les poumons, derrière le sternum, un "longing" comme disent les Anglo-Saxons.

Ma "Heimat" à moi, que le dictionnaire veut traduire - d'une façon tout à fait inadéquate - par "maison", cela pourrait être la ferme de ma petite enfance et de la lignée féminine. Tout y est, dans le sens 'Huchien' du terme. Sauf qu'en même temps, rien n'y est plus, car le monde a changé. Et même si la maison, le lieu, sont préservés, les gens que j'ai aimées n'y sont plus, ou alors ils se sont transformés, comme s'ils étaient partis avec leur esprit, leur âme, laissant dorénavant l'âtre sans braise véritable. Je continue donc mon chemin avec le "Heimweh", car ce monde d'antan est à jamais perdu pour moi ; et il me reste les souvenirs, le fond de qui je suis, et ce que je peux transmettre à mon tour.


Une autre "Heimat", reconstruite à partir de rien presque, pourrait être celle-ci où je suis en ce moment. Il n'y a pourtant pas la notion de sol, de sang, d'appartenance viscérale et profonde. C'est une "Heimat" nouveau genre, à imaginer, à fantasmer, à bricoler, à rafistoler, celle-ci. Étrangement, quand j'y vais, je ressens tout de même quelque chose de cet attachement primal si propre aux lieux de "Heimat". Et même s'il lui manque encore la patine, les traces du temps, les coups de griffes du destin qu'elle aura forcément subis, les pleurs et les joies qu'elle aura accueillis dans son ventre, elle est malgré tout de bonne augure, cette construction-là, car la nouvelle génération, elle, la qualifie d'ores et déjà, bel et bien, de "Heimat" ! Et s'il y a une chose qui est certaine, c'est que l'on ne discute pas sa "Heimat", son "daheim".

Ce qui parle également en sa faveur, c'est une certaine image d'Epinal qu'elle dégage, cette "néo-Heimat". Le chant des sauterelles dans l'herbe haute, le tintement des cloches des vaches dans les prés, les minuscules fleurs de montagne aux odeurs et couleurs improbables, le renard qui rode gentiment autour des murs, et la vue, oui, la vue imprenable qui est la sienne. Au réveil, tâter des yeux encore embués le temps sur les sommets d'en face, sans lever la tête de l'oreiller. Ou lors d'une insomnie, contempler calmement la lune qui éclaire doucement ces mêmes sommets autour desquels un nombre infini d'étoiles brodent un tissu précieux de petites lanternes délicates. Le veilleur attend alors, goûte le silence, hume l'air frais et léger, et se sent tout à fait entouré de forces bénéfiques auxquels il ne croit pourtant plus guère lorsqu'il vaque de nouveau, insouciant, aux activités futiles de sa journée.

Une "Heimat", c'est peut-être précisément cela, un endroit où toutes les émotions les plus contradictoires puissent affleurer, et où la scène, sur laquelle nous projetons notre vie quotidienne et ordinaire, les accueille toutes, généreuse, une fois que nous les lui avons confiées entre ses bonnes mains bien chaudes. Nous nous y sentons en toute "Geborgenheit" - en toute sécurité, qui, elle, est originelle, inaugurale... Que peut-on espérer de plus ? Peut-être juste cette capacité toute à nous, qui nous permet de toujours savoir recréer le contact avec ce vécu-là.

vendredi 6 août 2010

Salles d'escalade : Zürich (Milandia)

Autant dire que je teste les salles d'escalade du monde entier. Sydney: je n'ai même pas fait de photo. Dommage; mais ce ne fut pas non plus une expérience transcendante. Un mur en dévers pour ce qui est du pan de bloc, puis des prises apposées sans véritable recherche. Une myriade d'enfants dans la salle de voies (sans possibilité de grimper en premier) - ce furent leurs vacances d'hiver. Bref, c'était décourageant pour ce qui est de l'escalade, mais je n'ai peut-être pas non plus trouvé la meilleure salle pour le bloc. En revanche, une salle de muscu top jusqu'à côté, pour ne pas avancer d'excuses vaseuses à propos de l'entraînement.

Aujourd'hui, je grimpe près de Zürich, au Milandia, près d'un joli lac. Il y furent organisés les championnats du monde de l'escalade de bloc, les 14 et 15 mai 2010.

Je note avec satisfaction la publicité Bächli au beau milieu de tout cela - nécessaire, oui incontournable pour l'entreprise.  Bächli fut parmi  les sponsors des championnats du monde où de véritables cracks sont arrivés pour ouvrir les voies, puis le gratin pour les faire. Un Suisse qui a loupé le podium pour s'être cru sorti trop tôt: il a voulu saluer la foule juste au moment de toucher le "top" - il s'est vautré... Modestie, modestie, cependant! Nous savons tous que personne n'est exclu de ce genre de faux-pas.

Après un mois d'abstinence, j'ai d'abord fait un retour précautionneux à Villejuif, Antrebloc, avant-hier : se réapproprier le sport, la salle, le milieu, recommencer doucement à réentrer dans le mouvement, l'effort. Ressentir les muscles qui n'ont rien fait depuis pas mal de semaines, acquiescer humblement devant l'effort qui paraît insurmontable. Mais comment ai-je fait pour sortir du 6b+ avant de partir? Cata, panique - mais comme le dit si bien l'un des potes: dans ce sport, "humilité" n'est jamais loin de "humiliation"! Que c'est vrai...

Chez mon frangin, aujourd'hui, près de Zürich, cela va un peu mieux, mais c'est un progrès tout relatif, fragile, peu assuré. J'aime bien tester les salles des endroits où il m'arrive de résider. Celle du Milandia à Nänikon est très belle, jamais pleine, assez ambitieuse sans s'afficher pour autant. Typiquement suisse, typiquement protestant. Understatement obligatoire; on y va pour travailler sans vouloir être vu tout en étant top pro quand-même.

J'aime la compagnie de ma famille, mon filleul de 11 ans qui affiche une performance extraordinaire avec son rapport poids/taille/puissance musculaire idéal. Que de légèreté de la part de ce petit gamin - et nous, les adultes, on en est si loin... On l'encourage, on le porte, on le félicite - sachant que rien que d'être capable de faire ce renvoi positif c'est déjà une perf incroyable de notre part, qui n'avions jamais été encouragés comme ça. Bon, ça ne fait rien, on s'y prête de bonne grâce - c'est notre boulot d'adultes que de progresser par rapport à la génération précédente. Néanmoins, on se sent bien dans ce rôle positif. Un peu d'autosatisfaction donc, mais cela ne fait du mal à personne...

De jeunes mecs très fort: dévers, talonnages, gainages, pinces, épaules... Impressionnant. Cela pourrait décourager, mais non, cela motive : je me dis que cet été, c'est un peu fichu, mais j'ai plein de projets pour la rentrée. C'est ça qui m'attend, un éternel recommencement. La sagesse étant de ne pas se laisser démonter par les vicissitudes de la vie. A moi de cueillir et de savourer les petits succès, les instants magiques qui se présentent quand on ne les attend pas. La beauté du mouvement aussi, l'incroyable bonheur qui réside dans les petits rien du tout!

mardi 3 août 2010

Kafka on the Shore

par Haruki Murakami

Vous rêvez de retrouver l'univers onirique des contes de votre enfance? Renouer avec les grandes questions de la vie - l'amour, la mort, la vérité, le rêve, l'amitié...? Vous interroger sur les tabous qui nous restent?

Haruki Muramaki nous entraîne inexorablement vers un univers où le sort est scellé d'avance pour des êtres humains qui en exécutent les différentes facettes.

Meurtre, inceste, cruauté et sauvagerie, mais aussi amitié, courage et rédemption sont tricotés à travers les parcours initiatiques d'un jeune garçon, Kafka, et celui d'un vieil homme, Nakata, dont les destins se croisent et s'entrecroisent en un ballet captivant. Les êtres humains savent parler aux chats, il pleut des poissons et des sang-sues, les rêves se communiquent, le meurtres ne sont pas commis par ceux qui croient en être les auteurs, et la réalité n'est saisissable que jusqu'à un certain degré. Réel ou irréel, peu importe, ce qui compte c'est le courage que nous déployons pour en faire quelque chose.



Murakami est éminemment japonais, nous livre quelques clés de sa culture, mais nous montre aussi sa profonde connexion avec la pensée et la musique occidentales. Mettant en exergue l'universalité de certains thèmes, il nous montre aussi que, bien au-delà de l'enfance, le conte nous touche à tout âge, pour autant que nous nous laissons entraîner dans sa magie.

Référence: Murakami, H. (2005), Kafka on the Shore, London: Vintage

How Proust can change your life






“There are few things humans are more dedicated to than unhappiness. Had we been placed on earth by a malign creator for the exclusive purpose of suffering, we should have good reason to congratulate ourselves on our enthusiastic response to the task.” In Search of Lost Time


A la Recherche du Temps Perdu...

...ce n'est pas, bien évidemment, une histoire de Madeleines, de phrases à rallonge, d'instants frivoles et de méandres relationnelles complexes.

Dans ce livre si inspirant, Alain de Botton nous fait une critique littéraire extraordinaire d'un Proust aimant la vie, la lecture, sachant prendre le temps nécessaire pour les découvertes infinitésimales, transformant la souffrance en une sagesse qui élève, exprimant ses émotions, s'occupant de ses amis et s'adonnant à l'amitié, ouvrant grand ses yeux sur la vie, heureux dans l'amour, et capable aussi de mettre un livre de côté pour aller plus loin que son auteur, nous invitant à faire de même avec son oeuvre à lui.


Ce livre, je l'ai acheté initialment en raison de sa jolie couverture à l'aéroport de Cairns - et ce fut une révélation. Sa lecture m'a laissée dans un état d'exaltation et de joie intenses, me permettant de porter un regard neuf et original sur la Recherche.

Au-delà, il m'a surtout invitée à oser être encore plus moi-même, à écrire aussi, ne seraient-ce que quelques lignes par-ci, par-là. D'où, entre autres, ce blog... Et cela me donne envie de découvrir les autres livres de cet auteur suisse.

Référence: de Botton, A. (1997), How Proust can change your life, London: Picador

Contacts aborigènes

First Contact

En rentrant d'Australie dans l'avion : un documentaire bouleversant d'une rencontre, en 1964, entre des Australiens Européens et un groupe de 20 femmes et enfants Aborigènes n'ayant encore jamais été en contact avec des Blancs.   

A l'occasion du lancement d'une fusée dans le désert australien, des participants au projet de tir s'aperçoivent qu'un groupe d'Aborigènes se trouve dans le périmètre d'impact de l'engin. Quelques hommes, dont un fonctionnaire s'occupant des "Affaires Indigènes" partent à la recherche de ce groupe de personnes, pour les conduire dans un premier temps en dehors de la zone à risque, et, dans un deuxième temps, les relocaliser au sein d'une Mission où d'autres Aborigènes ayant vécu auparavant dans le désert, ont déjà été sédentarisés et sont en train d'être "civilisés".


L'histoire est racontée par deux femmes aborigènes ayant été, en 1964, de petites filles au sein de ce groupe. En se remémorisant ces instants douloureux, elles retrouvent toutes les émotions, peurs, doutes et angoisses qu'elles avaient éprouvés alors.






Ce documentaire m'a tout particulièrement touchée, étant depuis longtemps interpellée par l'Histoire des peuples indigènes, que ce soit aux Etats Unis, en Australie, en Nouvelle Guinée ou encore ailleurs. Le voyage en Australie que je viens de faire, ainsi que les deux années pendant lesquelles j'y ai vécu, m'ont souvent montré des Aborigènes en marge de la société, en proie aux conséquences de circonstances qui ne leur donnent aucune chance dans la société australienne d'aujourd'hui. Le déracinement, le manque de perspectives, l'alcool, l'argent facile d'un Etat "Welfare" se dédouannant trop promptement d'une mauvaise conscience, ont créé des ravages parmi ces populations qui essayent tant bien que mal à maintenir un certain lien avec leurs racines, leur culture orale particulièrement riche et complexe, et la Loi de leur aînés. 

Au-delà de ce qu'il représente en tant que témoignage capital d'un monde à jamais perdu, le film m'a aussi invitée à réfléchir à mon propre mode de vie, ma propre culture, l'artifice dont nous pouvons nous parer, le superflu, le nécessaire, la relation à l'autre, bref à tous les sujets importants de ma manière d'être avec les autres et dans mon environnement. Que puis-j'apprendre de ces gens, quelle vérité ont-ils connue, quels écueils ne savons-nous pas éviter?

C'est l'un des documentaires les plus touchants que je connaisse: à la fois beau et d'une tristesse infinie.

Références: http://www.aiatsis.gov.au/asp/aspbooks/clearedoutcontact.html