samedi 14 août 2010

Grimper dans les Hautes Alpes : un aperçu de possibilités superbes

5 jours hors pair d'escalade variée 

Vers où se tourner lorsque la météo n'est pas stable, qu'on a projeté de faire une semaine en montagne, et que l'on veut éviter les foules ? Les Hautes Alpes, que j'avais déjà un peu découvertes l'an passé avec l'Aiguille Dibona  (voie Madier) et Ceillac en Queyras, pour la cascade de glace. Cette année encore j'ai été impressionnée par le nombre des possibilités, la beauté des faces, la qualité du rocher et le peu de monde alors que nous étions la semaine où toute, oui toute, la France est en vacances.

Tour Termier, qui fait partie du Grand Galibier, 1er jour. Nous sommes un peu tard, il y a déjà du monde dans les voies, et on attaque au moins pour le début les trois premières longueurs dans "Feu Sacré" (qui est trop dure pour moi car cotée TD+, et 7a dans le crux) où il n'y a personne. J'y arrive, dans du 6a+, contente cependant de rejoindre en L5 "Ponant Neuf" la voie initiale-ment prévue, plus facile (TD-).

2ème jour, j'ai besoin de repos après la première journée de remise à niveau. Ailefroide - là, c'est la foule au grand complet, car on y trouve des voies de toutes les difficultés. On est dans le secteur La Poire, du granite, très belle ligne, je randonne - et cela me fait du bien même si c'est facile.

J 3, levée à 3h30 du matin, j'ai du mal à croire que je consens à cela pendant mes vacances !! Nous partons d'Ailefroide, en voiture, pour rejoindre la Sagnette, objectif Soleil Glacial, dans un coin très sauvage du Pelvoux. On se trompe plusieurs fois de chemin - je ressens mon moral tomber. Pourtant, cela fait partie d'une course : comment continuer à se remotiver une fois que tout ne s'est pas déroulé comme l'on a prévu ? J'y parviens après une véritable auto-hypnose, et on finit par attaquer la voie. C'est toujours très impressionnant, le matin, il fait froid, la paroi paraît sombre, voire hostile. Etrange, il pluviote, alors que les prévisions météo avaient été bonnes. Nous y allons quand-même, en sachant que nous pourrons nous échapper dans la voie, en rappel, le cas échéant. Quatre premières grandes longueurs et nous parvenons sur une large vire qui laisse apercevoir la continuation de la course, une paroi magnifique, dans un rocher compact et esthétique. Mais sur les sommets autour, les nuages et l'humidité s'accumulent. L'orage en montagne est un risque véritable et redouté, il faut savoir descendre en très peu de temps sous peine de s'attirer la foudre dans le sens littéral du terme. Pour nous, il y a incertitude, plus un nombre de "signes" - accueil étrange la veille, à l'auberge, dîner carrément mauvais, nous nous sommes trompés deux fois de chemin, pluie au pied de la voie et puis ces nuages inattendus, peu amicaux - qui font que nous décidons finalement d'abandonner. Difficile, difficile, et nous nous disons que ces "signes", c'est peut-être juste notre inconscient qui bricole son "intuition". Oui, cela tient à quoi, une intention ? On discute, on ergote avec soi-même, et quand la décision est prise, on est un peu soulagé, en même temps que les regrets grondent intérieurement. Mais il faut aussi savoir renoncer, c'est même tout un art, au fond. Quand nous arrivons dans les rappels, nous voyons deux cordées d'Italiens avec du matos pourri qui ne font qu'attaquer la voie !! Ils sont très tards, ces gars-là, et qui plus est, ils avancent apparemment sans se poser des questions, car ils n'ont aucune envie de savoir pourquoi nous rebroussons chemin. Probablement, ils parviendront à leur but, et je suis furieuse intérieurement, en les maudissant petitement tout en remballant mon harnet, le casque, la corde.
Du coup, nous nous consolons avec des voies de couenne à près d'Ailefroide, 6a, 6b très physique puisqu'en dévers. Je n'y arrive presque pas, je râle, je maugrée, mais je me bats. Récompense : j'aperçois une minuscule chauve-souris, dans un espace d'un bout de rocher en forme de tuile. Elle prend la place d'une excellente prise, ne bouge pas d'une oreille, je peux la voir à une distance de 10 centimètre ! Cette petite mignonne, elle rachète la journée pour moi, c'est certain. Au bout de trois longueurs de corde, c'est fini, je suis au bout du rouleau au vu de l'heure du lever. Repos mérité d'autant que les nuages enrobent maintenant tous les sommets. Nous avons bien fait d'abandonner, je me dis, même si maintenant nous serions certainement sortis de la voie initialement entreprise...

J 4, le matin, au Ponteil nous nous engageons dans La Martine, l'une des plus belles voies que j'ai faites pour l'instant, dans un rocher incroyablement beau et adhérent, très raide. Un immense plaisir, puisque juste la bonne difficulté pour moi.

Puis nous nous organisons pour le lendemain : vivres, sacs nickel et matériel. L'objectif, c'est pour ce soir le petit Refuge des Bans, dans le parc des Ecrins. Il est assez facilement accessible - et à notre surprise quasiment vide le soir, quand nous arrivons, alors qu'il fut complet la veille et qu'il le sera aussi le lendemain. Nous sommes adorablement accueillis par un jeune couple qui fait en plus merveilleusement la cuisine, toute bio (ce qui nous change de la vallée, d'Ailefroide, le Pelvoux dont on aime mieux oublier ces côtés-là du séjour). Coucher au plus tôt, car pour J 5 nous avons prévu une grande course, et il vaut mieux être en forme. Puisque aucun mec ne ronfle, je dors comme un loir jusqu'à 4h30.

J 5, donc, départ à 5h15, sur un névé raide de près de 45° vers le haut, et qui mène qu pied des Conforts des Bans. Piolet et crampons sont les indispensables ici. C'est une montée assez éprouvante, de 700m de dénivélés, en un peu moins de 2heures, pendant laquelle les pensées tournent autour de choses très basiques, à la manière d'un Mantra : "J'arrive à avancer encore un pied, je reste dans la trace de l'autre qui me précède juste d'un pas, je m'approche doucement de l'objectif, je m'entraîne pour l'après-vacances..." et ce genre de choses. C'est étrange, c'est exactement ce côté extrêmement simple, très proche du pur physique, pour ne pas dire la "survie" qui m'enracine, qui me centre dans ma vie qui se déroule majoritairement en dehors de la montagne. Et c'est pourtant une énergie dans laquelle il n'est pas facile de se mettre, c'est toujours de nouveau un effort à faire lorsque le quotidien citadin nous captive par toutes ses étincelles.
Notre voie "Sous le Soleil de Satan", qui fait 400 mètres de dénivelés impressionnants sur le pilier est de la paroi - une gigantesque dalle de calcaire en Haute Montagne. Ici, la cotation est au maximum du 6b/A0, mais l'ensemble de la course est indiquée par TD+ en raison du sérieux, de l'engagement que cela signifie : trouver le départ, ne pas se geler au tout petit matin sous au pied de la voie, prévenir l'onglet qui laisse les doigts sans force aucune, oser regarder vers le haut interminable sous le ciel matinal, vérifier trois fois que l'on est bien encordé. Et puis pour le premier de cordée, celui qui a la responsabilité de la course, c'est encore bien autre chose : trouver les points d'assurage, mener et s'engager dans la voie, risquer la chute, décider si le temps reste assez beau pour poursuivre... C'est une sacrée charge pour le moral, et il faut avoir beaucoup d'expérience pour savoir guider une course de ce niveau. Pour moi, c'est plus facile, je suis, c'est incomparable. J'ai de la chance, car j'ai un guide très compétent. Nous faisons une extraordinaire course, qui dure toute la journée, et où l'escalade rejoint la beauté. D'autant que des Edelweiss en touffes denses, des Campanules, Saxifrages, minuscules Joubarbes et le Génépi font de petites tâches de couleur tout au long d'un rocher compact. Elles fleurissent pour ceux qui savent les voir, et ce sont de véritables petites lumières tout au long de l'ascension qui accompagnent nos pas de danse sur le rocher. Nous redescendons en rappel, sans heurts, nous engageons précautionneusement sur le névé raide qui est devenu mou sous le soleil, et rejoignons le refuge, plus bas encore la voiture puis nous rentrons.

Ce fut ne semaine merveilleuse avec des souvenirs incomparables !

PS : les petites fleurs dans la paroi poussent malgré une adversité incroyable - et elles fleurissent sans faire de bruit, dans le silence, gratuitement, non remarquées. Cela me rappelle ce reproche à Marc Chagall : "Tous ces détails dans vos vitraux, ils sont trop petits pour que l'on puisse les voir !" Il répondit "Ce que je peins, ce n'est point pour les Hommes, c'est pour Dieu qui, Lui, les verra !"





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire