dimanche 8 août 2010

...et le sacrifice des garçons, des hommes

Un pendant terrible au post précédent

Refaire le plein de livres - dont celui d'Uzodinma Iweala, jeune écrivain né aux Etats-Unis, diplômé de Harvard, en voie de terminer ses études de médecin, travaillant pour la réhabilitation d'anciens enfants soldats. Son premier roman publié en 2005 "Biests of No Nation" (en français "Bêtes sans patrie") est terrifiant, dépeignant une Histoire nigériane qui est presque absente, à l'arrière plan seulement, et qui relate pourtant des faits d'une horreur quotidienne, broyant des populations entières, et de jeunes garçons avant tout. Ces petits soldats malgré eux, mercenaires pour des warlords sans loi, nous sont contés dans un récit plein de vie, fait d'incompréhensions et de terreur par rapport à un destin qui ne devrait pas être le leur. Ces enfants-là sont autres, et pourtant, ils  sont aussi si proches de nos enfants à nous. L'idée que cette vie pourraît être celle de nos jeunes générations, nous voulons la mettre tellement loin, tellement loin, au point où l'Afrique reste bel et bien un continent entièrement oublié.


Pourtant, les enfants soldats, c'est aussi le sujet d'autres histoires dont je me souviens, comme celle de "Allah n'est pas obligé" (2000), un livre d'Ahmadou Kourama (Prix Renaudot, Prix Goncourt des Lycéens 2001) déjà lu il y a quelque temps. Un récit moins concis que celui d'Iweala, parfois presque lassant, mais toujours aussi vrai et dérangeant sur les enfants soldats du Libéria et du Sierra Léone. La maladie, la sorcellerie, la condamnation et l'exclusion font encore une fois appel à nos propres fantasmes refoulés, et nous exhortent à nous les représenter, les malaxer, les travailler, sous peine de les agir, les vivre sous une forme ou une autre. Car non, Allah n'est pas obligé d'être juste, et un destin comme cela peut tomber sur n'importe qui... avec plus de risque, cependant, pour ceux qui "sont petits nègres", comme le dit le héros, Birahima, un garçon de 10 ou 12 ans, qui ne connaît pas son âge véritable.

De tous ces sujets profonds, à travers la trame des malfaits de miliciens, la voix de Léonora Miano (prix Goncourt des Lycéens 2005) en parle aussi, d'une manière puissante, effrayante, à peine soutenable. A l'Intérieur de la Nuit (2005) est le début d'une trilogie impitoyable. Le lien tribal qui lie l'humain à l'autre, l'étranger qui vient perturber ce fantasme initial d'une fusion éternelle, ce sont bien entendu aussi nos thèmes à nous. Nos peurs, nos angoisses, nous mettons pourtant tellement de soin à les éloigner loin, loin de nous. Refoulement, clivage - le terrible, ce n'est pas nous. Et pourtant - là encore, la réalité nous rattrape puisqu'elle se déroule presque sous nos yeux, fussent-ils fermés.

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